Le secret de Santa Vittoria

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Sidonis Carlotta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Le secret de Santa Vittoria » de Stanley Kramer.

« C’est une triste chose une maison où le coq est silencieux et où seule la poule se fait entendre »

Années 1940. Italo Bombolini est l’ivrogne de la petite ville de Santa Vittoria. A la suite d’un quiproquo, la municipalité fasciste se rend à Bambolino et l’élit maire. Mais lorsque qu’il apprend que les troupes allemandes entendent occuper la ville et s’emparer du million de bouteilles de vin qui y reposent, Bambolino ourdit un plan pour les camoufler.

« Les allemands vont débarquer, c’est sûr, pour s’approprier la richesse du village »

Producteur puis réalisateur connu pour ses engagements, Stanley Kramer aura consacré une grande partie de son cinéma à dénoncer les travers et le conservatisme de la société américaine, qu'il s'agisse de la question du racisme (« La chaine », « Devine qui vient diner ? » ) ou de l'obscurantisme religieux (« Procès de singe »). Dans un contexte de guerre froide et d'escalade militaire, il n'aura également eu de cesse de dénoncer la folie des hommes et leur course effrénée à l’armement (« Le dernier rivage », « Jugement à Nuremberg », « La nef des fous »). Ce qui ne l’aura pas empêché, en parallèle, de s’octroyer quelques parenthèses de légèreté en s'aventurant - avec moins de réussite toutefois - sur le terrain de la comédie (« Un monde fou fou fou »).

« Vous laisser notre vin ? C’est comme demander au peuple de se dépouiller lui-même ! »

Tourné juste après « Devine qui vient diner ? », « Le secret de Santa Vittoria », adaptation du roman éponyme de Robert Crichton, est un peu tout cela à la fois. Un étrange mélange de comédie de mœurs et de drame social sur fond de Seconde guerre mondiale. Où comment, dans l'euphorie de la chute du régime fasciste, un petit village viticole du Piémont érige en héros l'ivrogne du village et lui confie les rênes de la mairie. Une tâche d'autant plus lourde qu'il lui incombera de traiter avec le nouvel occupant allemand et d'organiser à sa barbe la mise à l'abri du million de bouteilles de vin qui constitue la richesse du village. Mais derrière l’apparente trivialité de son sujet, Kramer trouve un moyen subtil de raconter la guerre d’une autre façon, en montrant les fractures que celle-ci creuse au sein de la société, mais aussi les petites lâchetés et autres compromissions auxquelles chacun se livre pour assurer sa survie. Qu’il s’agisse pour le héros de livrer sciemment à la torture des allemands les anciens collaborateurs fascistes ou pour la comtesse de donner son corps pour sauver son bien-aimé. Dans tous les cas, derrière la truculence de certaines situations, Kramer filme la médiocrité des hommes dont le seul acte de résistance aura été de se battre pour sauver leur vin. Il évoque aussi les prémices des luttes de classe à venir au travers de l'idylle entre une aristocrate (superbe Virna Lisi) et son ancien métayer. C'est aussi un portrait peu flatteur des italiens, un peu prompt à retourner leurs vestes et à s'enflammer pour des causes futiles. Il faut reconnaitre que le film ne manque pas de piquant, surtout pour le savoureux face à face entre Antony Quinn et Hardy Kruger. Mais à l'image de l'incroyable séquence d'évacuation des bouteilles, ce dernier souffre quand même de grosses longueurs. Au final, on tachera de voir le verre à moitié plein en se focalisant sur l'aspect réjouissant de cette farce un peu boursoufflée et bien plus dramatique qu’elle n’y parait. Même s'il s'agit d'un millésime en demi teinte et franchement mineur dans la filmographie de Stanley Kramer. 

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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-définition, en version originale américaine (1.0) ainsi qu’en version française (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation signée Patrick Brion (9 min.) ainsi que d’un documentaire consacré à l’acteur Anthony Quinn (58 min.), réalisé en 1990 par Gene Feldman.

Edité par Sidonis Calysta, « Le secret de Santa Vittoria » est disponible en combo blu-ray + DVD ainsi qu’en édition DVD depuis le 27 octobre 2018.

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