[CRITIQUE] : Glass

[CRITIQUE] : Glass
Réalisateur : M.Night Shyamalan
Acteurs : James McAvoy, Bruce Willis, Samuel L. Jackson, Sarah Paulson, Anna Taylor-Joy,...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Thriller, Fantastique.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h09min.

Synopsis :
Peu de temps après les événements relatés dans Split, David Dunn - l’homme incassable - poursuit sa traque de La Bête, surnom donné à Kevin Crumb depuis qu’on le sait capable d’endosser 23 personnalités différentes. De son côté, le mystérieux homme souffrant du syndrome des os de verre Elijah Price suscite à nouveau l’intérêt des forces de l’ordre en affirmant détenir des informations capitales sur les deux hommes…

Critique :

Humain, d'une invention iconographique démente, fou, beau, hésitant et même alambiqué, #Glass clôt avec puissance une trilogie retournant la culture populaire US pour mieux lui rendre toute sa splendeur. On a définitivement retrouvé le roi de l'entertainment racé et intelligent pic.twitter.com/8MZhToGeJr— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 7 janvier 2019

Tous ceux qui, au début des années 2000, après les sorties monumentales de Sixième Sens et Incassable, voyaient en M. Night Shyamalan un futur héritier en puissance du roi de l'entertainment Steven Spielberg, ont dû gentiment se bouffer les yeux à la petite cuillère par la suite.

Non seulement le bonhomme n'a jamais su réussir à confirmer son potentiel statut (beaucoup trop vite offert par les critiques, on est d'accord) avec ses péloches suivantes - tout aussi divertissant que furent Signes et Le Village -, mais surtout en à peine dix ans, il avait accompli la prouesse de devenir le paria number two du tout-Hollywood juste derrière Uwe Boll.
La machine à rêve est une putain ingrate on le sait, mais Shyamalan n'était pas totalement pas à plaindre tant il s'est sadiquement amusé à donner autant qu'il l'a pu, le bâton pour se faire battre plus que de raison, et incarner l'exemple parfait du money maker chouchou du système, dorloté à coups de projets bandants avant d'être copieusement lynché, avalé puis salement recraché par l'industrie.
[CRITIQUE] : Glass
Un parcours sous la forme d'une descente aux enfers incontrôlable, dominée par la mauvaise idée du bonhomme de vouloir construire sa propre légende plutôt que de la servir intelligemment.
Heureusement réhabiliter depuis par la force de deux petites bombes intimistes - The Visit et Split - qui incarnaient autant un retour salvateur  aux sources de son oeuvre qu'une véritable guérison cinématographique après quelques sorties de routes difficilement défendables, le cinéaste était donc fin prêt à reprendre son trône de wannabe leader de l'entertainment racé et intelligent avec Glass, estampillé troisième et ultime opus d'une trilogie entamée par le chef-d'oeuvre Incassable, puis par Split donc, étonnament raccroché à l'oeuvre-mère via une révélation finale qui en aura calmé plus d'un - dont nous.
Sorte de melting-pot dément porté par un script débordant de générosité (jusque dans ses tirades savoureusement longues et existentielles) et volontairement anti-spectaculaire, le film incarne la rencontre supposément improbable et surtout loin d'être fait pour être ensemble, de deux oeuvres diamétralement opposées mais complémentaires, dans une seule et même création unique et ambitieuse, à l'équilibre fragile mais virtuose, poussant constamment son auditoire à repousser les limites de son imaginaire.
[CRITIQUE] : Glass
Thriller psychologique, métaphysique (avec un commentaire autant sur sa propre oeuvre que sur le cinéma " populaire " en lui-même, fracture du quatrième mur inclus), mystique et totalement imprévisible, la péloche déconstruit, questionne et retourne la culture populaire américaine pour mieux lui rendre toute sa splendeur, s'approprie avec une finesse indécente la figure du super-héros, ici brisée (et dont on interroge habilement autant l'utilité que l'évolution et la légitimité, sous forme de psychanalyse géniale), pour lui offrir un écrin réflexif majestueux, à des années lumières du traitement binaire offert par une pléthore de blockbusters depuis près de deux décennies (coucou MCU and Co), à tel point qu'il est impossible de ne pas voir la trilogie comme la meilleure chose qui ait pu arriver aux adaptations de comic-book sur grand écran, alors qu'elle est un produit purement et simplement... original.
Méthodiquement, en jouant habilement autant sur les croyances du public et les plans énigmatiques - souvent sublimes - que sur les twists audacieux et nos peurs enfantines (son thème chouchou), Shyamalan multiplie les fausses-pistes et laisse exploser son inventivité iconographique et sa mise en scène précise et enlevée (son génie du cadre, sa minutie du moindre détail,..), au sein d'un cauchemar réaliste et punk, un aboutissement bluffant et surprenant qui ne conviendra définitivement pas à tous les regards, tant certains n'accepteront peut-être pas aussi facilement que d'autres, l'idée de se perdre lentement mais surement dans les méandres d'une toile d'araignée aussi vénéneuse que puissante.
[CRITIQUE] : Glass
Sorte de masterplan sous fond de huis clos sur sa grande majorité, au final franchement WTF (pas exempt d'incohérence) et dont tous les secrets ne seront pleinement révélés qu'après plusieurs visions, le cinéaste s'amuse avec ses propres thématiques phares, trébuche parfois en voulant en faire trop voire même pas assez (certaines longueurs dispensables, l'utilisation limitée de son cadre passionnant - l'asile -, la gestion pas toujours juste du traitement à l'écran de ses personnages,...), mais fait preuve d'une foi indéfectible autant envers son univers protéiforme qu'en ses personnages, croqués avec amour et dévotion - chacun à son utilité.
Et si Samuel L. Jackson s'amuse comme un petit fou dans la peau de Elijah Price (et fait complètement du Samuel L. Jackson), et que Bruce Willis en impose réellement en David Dunn (preuve que quand il le veut, il a toujours son mojo), c'est sans l'ombre d'un doute James McAvoy qui tire le plus aisémment son épingle du jeu.
Véritable attraction ahurissante de cette double suite autant qu'il est l'objet de toutes les convoitises, il fait parler toutes les nuances de son jeu et joue véritablement de ses muscles - plus que dans Split -, pour mieux livrer une performance exigeante, plus encore que pour le film précédent qu'il irradiait déjà par sa prestance imposante.
[CRITIQUE] : Glass
Humain, fou, élégant et immersif autant qu'il est parfois hésitant et même alambiqué, Glass (même si on lui préférera bien plus Incassable, plus complet et maitrisé sur tous les points) clôt avec puissance une trilogie tragique et pertinente sur la figure du super-héros et la croyance populaire qu'il provoque et incarne, au-delà d'un pari audacieux et même quasi-suicidaire, de loin l'une des oeuvres les plus angoissantes, tendues et mystérieuses qu'il nous a été donné de voir depuis des lustres.
Un Shyamalan abouti et qui divise vaut bien une bonne centaine de péloches lambda, c'est dit.


Jonathan Chevrier


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