Assassination Nation (2018) de Sam Levinson

Second long métrage du fiston du réalisateur Barry Levinson ("Good Morning Vietnam" et "Rain Man"), après la comédie dramatique familiale "Another Happy Day" (2011) Sam Levinson change totalement de registre avec ce film dont le titre annonce un temps soit peu la couleur. Réalisateur et scénariste il signe un film présenté au Festival de Sundance 2018 et décrit comme "un thriller satirique avec une touche d'humour noir"... Bien qu'écrit avant les évènements #MeToo et #TimesUp le film s'inscrit à l'insu de son plein gré dans la mouvance féministe de ces derniers mois, pour ne pas dire que Sam Levinson signe un film visionnaire !... Sans doute ceci explique peut-être les critiques généralement positives entourant le film ce qui n'a pourtant pas empêché le film de faire un flop au box-office ne récoltant à peine 40% de son budget... Aujourd'hui à Salem, on suit quatre jeunes filles libres et sexy qui partagent leur quotidien entre lycée, flirt, fiesta et réseaux sociaux. Alors qu'elles considèrent le monde misogyne et patriarchal un hacker va bouleverser la communauté en dévoilant plusieurs secrets sur les réseaux sociaux jusqu'à ce que certains veuillent lyncher Lily dénoncée comme la hackeuse par où le scandale est arrivé...

Assassination Nation (2018) de Sam Levinson

Les filles sont incarnées par une majorité de comédiennes inconnues ou méconnues, ce qui poussent à une identification plus forte des adolescentes. Il y a Abra chanteuse R'n'B dans son premier rôle, Ari Nef top model dans son premier rôle, Bella Thorne vue dans la romance "Midnight Sun" (2018) de Scott Speer, Suki Watherhouse vue dans "The Bad Batch" (2017) de Ana Lily Amirpour et Odessa Young remarquée dans "The Daughter" (2015) de Simon Stone. En prime on reconnaitra la jeune Maude Apatow fille de Leslie Mann et Judd Apatow pour lesquels elle a déjà tourné notamment dans "40 ans, Mode d'Emploi" (2013). A leurs côtés le mauvais garçon est joué par Bill Skarsgaard fils de Stellan et frère de Alexander et vu incarnation de (2017) de Andy Muschietti... Sur son film Sam Levinson déclare : "Je sais que mon film est choquant, effrayant, et débordant de haine, mais tel est aussi l'état du monde actuel. Ce film parle de notre identité américaine ; il décrit la façon dont notre soif de divertissements, d'humiliation et de violence a fini par dépasser notre instinct de survie."... (...)... "Je me suis demandé : dans quel genre de monde mon enfant va-t-il naître ? Il est tellement dur de nos jours d'être jeune, quand la moindre de vos erreurs peut-être immortalisée. Chaque coup d'un soir maladroit, chaque cliché peu flatteur, chaque texto intime peut devenir un outil d'humiliation."... C'est ainsi que Sam Levinson imagine une sorte de chasse aux sorcières du 21ème siècle, d'où la référence logique à la ville de Salem, clin d'oeil évident au célèbre procès de 1692... Dans le style le cinéaste signe une équation avec "Spring Breakers" (2012) de Harmony Korine et "American Nightmare : les Origines" (2018) de Gerard McMurray. Si on reprend les utilisés par Sam Levinson lui-même son film est bel bien " choquant, effrayant, et débordant de haine" ; un film qui débute par une immersion dans l'intimité des jeunes filles avec un déluge de vulgarités (et non pas de grossièretés, nuance !), un déluge de caricatures adolescentes (l'allumeuse, le sexe, le sportif... etc...) et surtout un multitude de citations pseudo-philosophiques tout droit sorties de Twitter et consorts. Dans les premières minutes on frise l'overdose de propos nauséeux et d'une fantasmagorie malsaine. Sam Levinson voulait frapper fort et choc et force est de constater qu'il y arrive de façon coup de poing d'une réelle efficacité.

Assassination Nation (2018) de Sam Levinson

On reste perplexe sur certains choix ( comment accepter que sa fille s'habille comme Lily ?! Rarement on aura montré un univers adolescent aussi dévoyé et glauque...), peu subtil (c'est le moins qu'on puisse dire !) et outrancier on a bien du mal à y adhérer jusqu'à ce que le premier soit dévoilé et, surtout, jusqu'à ce que sa conséquence pousse la ville entière à la paranoïa. Petit à petit on est happé par cette fable macabre et pessimiste qui ne manque ni d'audace ni de style mais on aime autant qu'on déteste avec cette sensation omniprésente qu'on devrait haïr ce film. Le cinéaste signe un film d'un féminisme extrêmiste dangereux, très unilatéral et très manichéen qui laisse place à une déferlante de clichés. Dans le même temps, la critique du pouvoir démentiel des réseaux sociaux est lui d'une acuité terrifiante symbolisé par la déclaration de Lily : "Dix pour cent des gens sont cruels, dix pour cent sont charitables et les quatre-vingt pour cent restants peuvent balancer dans sens comme dans l'autre"... Citation de l'essayiste et militante américaine Susan Sontag... Autrement, la violence extrême fait aussi son effet même si certaines scènes sont peu réalistes et même si le cinéaste n'a pas toujours oser aller plus loin (le viol est omniprésent dans les dialogues et est sous-jacent à chaque instant mais aucune scène viol/nu n'apparaît à l'écran). Attention également, niveau "humour noir" il n'en est pas question ! Il n'y a pas d'humour dans ce film, même noir il est occulté, ce qui est sans doute le point le plus crucial et nécessaire du film, dommage... En conclusion un film bouffé par l'ambition d'un bon uppercut, parfois maladroit sans aucun doute mais qui ne laissera personne indifférent, qui a tous les ingrédients pour devenir culte et en tous cas bien moins vain et prétentieux que "Spring Breakers"... A voir !

Note :

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