La Nuit a Dévoré le Monde (2018) de Dominique Rocher

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Premier long métrage du réalisateur Dominique Rocher, qui avait été remarqué pour son court métrage "La Vitesse du Passé" (2011), multi-primé notamment en étant lauréat du Prix Audi Talents qui lui a permis d'avoir le soutien de la productrice Carole Scotta pour se lancer dans son premier long. Entre temps rappelons que Dominique Rocher est à l'origine du film "Dans la Brume" (2018) de Daniel Roby, co-écrit entre autres avec le scénariste Guillaume Lemans qu'il retrouve ici pour son premier long... Pas étonnant donc de constater de nombreuses corrélation entre les deux films. Pour son premier long, le réalisateur-scénariste adapté le roman éponyme (2012) de Pit Agarmen alis Martin Page, où comment un homme se réveille seul au monde, isolé dans un immeuble au coeur de Paris alors qu'une étrange épidémie semble avoir transformée la population en zombies...

Le "héros" est incarné par Anders Danielsen Lie, acteur norvégien francophone qu'on a vu dans "Oslo, 31 août" (2011) de Joachim Trier, et surtout connu en France pour avoir joué dans les films "Fidelio, l'Odyssée d'Alice" (2014) de Lucie Borleteau, "Personnal Shopper" (2016) de Olivier Assayas et (2017) de Jacques Doillon. A ses côtés on reconnaitra deux guest stars avec Denis Lavant et Golshifteh Farhani... Le thème de l'isolement suite à un drame apocalyptique n'est pas nouveau au cinéma, on peut citer notamment "Je suis une Légende" (1964) de Sidney Salkow, "Le Survivant" (1971) de Boris Sagal et son remake "Je suis une Légende" (2007) de Francis Lawrence, "Le Dernier Survivant" (1985) de Geoff Murphy et "28 Jours plus Tard" (2003) de Danny Boyle... Dominique Rocher se détache pourtant des films précédents par un traitement inédit du personnage principal comme l'explique le cinéaste : "J'ai tout de suite été séduit par ce texte, son ton atypique et la façon dont il pose la question de l'isolement et du rapport aux autres. Et surtout par la personnalité de Sam, un personnage qui aime la solitude, à la limite de l'agoraphobie. C'est cette misanthropie qui s'incarne à travers le genre. Lorsqu'il émerge dans un monde transformé pendant la nuit, au milieu d'un océan de zombies, cette transformation ne le surprend pas. Je dirais même qu'il est armé pour survivre, psychologiquement. En une nuit, il se retrouve seul, dans cet immeuble haussmanien telle une île déserte, sans espoir d'être retrouvé. Sam s'apparente à un Robinson Crusoé et doit tout organiser pour sa survie. J'aimais l'idée de quelqu'un qui trouve une sorte d'équilibre pour sa survie. J'aimais l'idée de quelqu'un qui trouve une sorte d'équilibre dans cette solitude et dans cet univers."... Effectivement, c'est sur ce point que le film se démarque, on se questionne aussitôt sur cet homme qui semble prendre son parti de cet état post-apocalyptique, qui ne s'inquiète finalement pas plus que ça du devenir des autres humains, qui ne panique que lorsqu'il est directement en danger, et qui semble prédisposer à soutenir une survie de ce type.

Il faut un temps de réflexion et d'incompréhension vis à vis de cet homme aux réactions très déshumanisées avant de le suivre sans antipathie. Mais malgré tout on constate que Dominique Rocher ne va pas au bout de sa réflexion, en effet son héros solitaire ne l'est pas tant que ça avec un compagnon dans un ascenseur et une visite qu'il tente de garder près de lui. C'est justement quand on voit que l'idée ne va pas au bout qu'on est déçu, finalement le film devient plus classique sur un énième homme seul avec son instinct de survie. On salue l'ambition du projet avec un minimalisme certainement dû à un budget restreint mais qui pousse à un travail sur la psychologie du personnage particulièrement intéressant, même si cela ne va pas au bout. Une curiosité à voir et à conseiller.

Note :