Pupille (2018) de Jeanne Herry

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Si le titre évoque évidemment l'enfant placé sous la tutelle de l'état il renvoie également au regard, notamment à celui qu'on peut avoir sur les autres. Mais pour son second long métrage en tant que réalisatrice-scénariste après "Elle l'Adore" (2014), Jeanne Herry (fille de Miou-Miou et Julien Leclerc) a décidé de s'intéresser à l'adoption au sens large du terme après qu'une de ses amies ait adopté un enfant. La cinéaste explique : "Je suis partie dans le Finistère où j'avais un contact. J'y suis allée plusieurs fois et j'ai compris que la tâche de ces travailleurs sociaux était de trouver des parents pour un bébé, pas de trouver un enfant pour des parents en manque : ce fut une révélation. J'ai trouvé des dispositifs de fiction intéressants dans la matière documentaire. Ces séquences de face-à-face, le fait de parler sans arrêt au bébé, car Françoise Dolto est passée par là, tout ce que je découvrais représentait de futures pépites de mise en scène."...

On suit donc plusieurs individus qui vivent l'expérience de l'adoption de façon plus ou moins directe, un bébé remis à l'adoption par sa mère via un accouchement sous X, le quotidien de ceux qui s'occupent de ces enfants, des parents en attente... etc... Jeanne Herry retrouve pour l'occasion les actrices Sandrine Kiberlain et Olivia Côte qui était déjà dans "Elle l'Adore". A leurs côtés on retrouve un joli casting, plutôt hétérogène avec (maman) Miou-Miou, Elodie Bouchez, Stéfi Celma, Jean-François Stévenin, Bruno Podalydès, Grégory Gadebois et un étonnant Gilles Lellouche tout juste sortit de son succès "Le Grand Bain" (2018)... Dans le genre le film se situe entre "Les Bureaux de Dieu" (2008) de Claire Simon et "Réparer les Vivants" (2016) de Katell Quilévéré, ici les étapes du don dorganes et du Planning familial laisse place aux parcours du combattant autour de l'adoption... Un premier bon point pour la direction d'acteur, tous sont impeccables, justes et touchants dont une Elodie Bouchez qui n'avait pas trouvé un tel rôle depuis bien longtemps et Gilles Lellouche qui délaisse son machisme naturel pour un rôle à contre-emploi qui marquera sa carrière... Des personnages qui se croisent et s'entrecroisent dans une narration qui joue avec la chronologie, un concept qui peut paraître un brin superflu mais qui s'avère particulièrement judicieux notamment pour comprendre certains personnages et pour apporter une émotion plus palpable. La première partie est toutefois un peu lourde, beaucoup trop explicative et didactique qui manque autant de naturel que d'émotion, par exemple la jeune maman est particulièrement froide, l'assistance sociale surjoue sa rencontre avec cette jeune maman, à l'instar des autres membres de la Ddass et autres services du genre qui jouent de façon beaucoup trop mécanique empêchant tout attachement et/ou empathie.

Il faut attendre l'éclosion de certains sentiments "hors" adoption pour que le film s'ouvre littéralement à l'émotion. Le film doit ainsi beaucoup aux personnages de Jean/Lellouche et surtout de Alice/Bouchez. L'autre bon point est la bienveillance de Jeanne Herry vis à vis de son sujet et donc, vis à vis de ces personnages. Et si l'émotion est trop absente dans sa première partie, on peut pourtant apprécier la seconde partie où la quête d'amour reste au centre du récit sans tomber dans le larmoyant. En conclusion, malgré quelques maladresses (donc surtout en première parti) le film offre une histoire cohérente, touchante et d'une justesse qui mérite toute notre attention.

Note :