Le lauréat

Par Dukefleed
Macadam Boy Toy
Pitchons ce film dans un mode conte. Un jeune homme au physique pas facile et sans projet subit la séduction vorace d’une femme mûre. Devenu son serviteur sexuel suite à son dépucelage, il finit par s’ennuyer aux côtés d’une femme sérieusement névrosée et alcoolique. Et boum, il rencontre une belle princesse, la fille de la reine séductrice. Coup de foudre. Mais voilà, l’affaire est mal engagée ; la mère refusant d’être délaissée au profit de sa fille. Bravant tous les obstacles mis sur son chemin et n’écoutant que son cœur, il enlève la belle durant son propre mariage imposée par ses parents. Ce film incarne le Nouvel Hollywood ; un Hollywood pré-code Hayes renaissant de ses cendres. Un jeune homme couche avec une mère puis tombe amoureux de la fille ; amour impossible puisque la mère accuse le jeune homme de viol pour sauver les apparences et son statut social. Osé comme scénario pour l’époque. Entre le Tarzan avec Maureen O’Sullivan et Johnny Weissmuller du début des 30’s et ce film ; le cinéma outre atlantique était sérieusement asexué. Avec ce film on sent poindre la révolution sexuelle émanant des enfants du baby-boom à travers le refus du modèle de réussite parental égratignant au passage l’american way of life en vigueur. En effet les deux générations s’affrontent sur presque tout : sexe, études, foi, course à la reconnaissance sociale,… Mais grosse incohérence du film, l’ancienne génération représentée entre autre par la cougar Anne Bancroft couche sans sentiment ; la jeune génération représentée par Dustin Hoffman (l’étudiant sex toy) et Katherine Ross (la fille de la vamp) souhaite passer par le mariage pour sceller leur union et envisage de loin une relation sexuelle avant mariage. Sur ce point, ils sont vachement rétro. Autre incohérence : Hoffman joue l’étudiant jeune premier à 30 ans, Anne Bancroft joue la cougar à 36 ans et Katherine Ross sa fille étudiante à 29 ans ; heureusement que les comédiens sont époustouflants, car question crédibilité la pilule est grosse. Mike Nichols dont le cœur de la carrière tient en deux films celui-ci et le précédent (la fabuleux « Qui a tué Virginia Woolf ? ») révolutionne ici les codes esthétiques du cinéma. Un souffle nouveau transparait clairement et ce dès le premier plan et il tiendra cette virtuosité de mise en scène et de montage durant les 1h45 de film. Qualifié d’arty et intellectuel ; ce long métrage est clairement très méticuleux sur l’élaboration de chaque plan. Dès le premier travelling, Dustin Hoffman enserré dans le cadre se laisse conduire sur un tapis roulant, impassible ; il n’est pas maitre de sa vie (plan repris par Tarantino dans « Jackie Brown »). Et toute la première partie va être à cette image avec un fameux plan devenu mythique : Dustin Hoffman en arrière-plan dans l’angle droit de la jambe d’Anne Bancroft. Cette géométrie glacée de chaque plan a inspiré un autre metteur en scène américain actuel de grand talent : Wes Anderson. Le montage est aussi super habile avec un usage très inspiré des ellipses. Et puis la BO de Simon et Garfunkel est une des meilleures du cinéma mondial de tous les temps !!! Et oui, lorsque l’on écoute « Sound of silence », « Mrs Robinson » ou encore « Scareborough Fair » ; l’émotion est toujours là. Tout d’un grand film ; mais avec des pieds d’argile ; car comment se revendiquer de la contre-culture et mettre le sexe comme une valeur subalterne au profit d’amours adolescentes purs.En aparté : Tom Cruise 16 ans plus tard avec ses lunettes noires pour « Risky Business » ressemble énormément à Dustin Hoffman

Sorti en 1967
Ma note: 12/20