Senses

Un grand merci à Arte Editions ainsi qu’à Cinétrafic pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Senses » de Ryûsuke Hamaguchi.

Senses

« La seule question que l’on doit se poser c’est comment atteindre son équilibre »

À Kobe, au Japon, quatre femmes partagent une amitié sans faille. Du moins le croient-elles : quand l’une d’elles alors en pleine procédure de divorce disparaît du jour au lendemain, l’équilibre du groupe vacille. Chacune ouvre alors les yeux sur sa propre vie et comprend qu’il est temps d’écouter ses émotions et celles des autres…

« Tu es devenu un homme respectable et respecté. Mais tu ne ris plus jamais. »

Happy_hour

Curieux objet cinématographique que ce « Senses ». Avant d’être un film, ce fut tout d’abord une expérience. Un projet scénique, monté en 2013 à Kobe par une troupe d’improvisation amateur autour du thème de l’écoute. Leur travail fut tellement probant que le cinéaste Ryûsuke Hamaguchi, qui encadrait ces ateliers, décida d’en faire un film avec ces mêmes comédiens amateurs. Vendu à tort comme « la première série pour le cinéma », « Senses » (distribué dans d’autres pays sous le titre « Happy hour ») est en fait un seul et même film qui, compte tenu de sa longueur hors norme (5h17 !), a été segmenté pour des raisons de distribution en trois films. Présenté dans de nombreux festivals, le film a notamment été primé au Festival de Locarno où ses quatre comédiennes ont reçu le Prix d’interprétation.

« Supporter un mariage est difficile. Y mettre fin aussi. Alors, autant le supporter, non ? »

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Si Ryûsuke Hamaguchi cite ouvertement le cinéma de John Cassavetes comme l’une de ses principales sources d’inspiration, ce « Senses » se construit un peu comme une sorte de « Husbands » au féminin, la débauche et la déglingue en moins. On y suit ainsi quatre amies aux vies apparemment bien rangées et sans histoires jusqu’à ce que l’une d’elle avoue aux autres être en plein divorce. Ce qui obligera, par ricochet, les trois autres femmes à faire un bilan de leur vie et surtout de leur couple. A cette occasion, Ryûsuke Hamaguchi s’intéresse à la crise de la quarantaine en signant quatre formidables portraits de femmes, dont les envies de liberté et d’émancipation se trouvent souvent bridées dans un pays encore très marqué par le poids des traditions et notamment par une forme de phallocratie et de soumission des femmes aux hommes. Par petites touches impressionnistes et délicates, le cinéaste filme le quotidien morose de ces femmes, les petites lâchetés des hommes (le mari qui délègue à sa femme le soin d’aller présenter des excuses aux parents de la jeune fille que son fils à mis enceinte) et capte dans de petites détails les failles et les dysfonctionnements de leur vie conjugale respective. En creux, Ryûsuke Hamaguchi signe une radioscopie mélancolique et peu élogieuse de la société nippone, tiraillée entre tradition et modernité et qui s’est quelque peu égarée dans une course au profit (poids écrasant du travail et du matérialisme), laissant finalement bien peu de place à l’épanouissement personnel. Un film d’une grande acuité et remarquablement interprété, qui souffre néanmoins de quelques grosses longueurs et d’un style parfois un peu trop glacial.

Senses_Rira_Kawamura

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Le DVD : Le film est présenté en version originale japonaise (5.1). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de Scènes coupées, du module « L’atelier » et d’un entretien avec le réalisateur. Un livret de 24 pages vient compléter cette édition.

Edité par Arte Editions, « Senses » est disponible en DVD depuis le 14 novembre 2018.

Le site Internet de Arte Editions est ici. Sa page Facebook est ici.

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