AUX ANIMAUX LA GUERRE (Critique Mini-Série) Un contexte social fort et un thriller anxiogène…

AUX ANIMAUX LA GUERRE (Critique Mini-Série) Un contexte social fort et un thriller anxiogène…AUX ANIMAUX LA GUERRE (Critique Mini-Série) Un contexte social fort et un thriller anxiogène…

SYNOPSIS: La série suit les destins croisés de Martel, syndicaliste qui accepte un boulot de malfrat pour se remettre à flot ; Bruce, un bodybuilder sous stéroïdes et Rita, une inspectrice du travail consciencieuse. Alain Tasma réalise avec brio l'adaptation du roman de Nicolas Mathieu et décortique la brutalité sociale et économique causée par la désindustrialisation dans les Vosges.

Avant même sa diffusion, Aux Animaux La Guerre, adapté du roman éponyme de Nicolas Mathieu, auréolé d'une sélection au Festival Séries Mania -et du prix du Meilleur acteur pour Roshdy Zem (ex-aequo avec Bryan Marciano ( Vingt-Cinq)- se présentait comme une mini-série de prestige. Depuis, Nicolas Mathieu a été couronné par le Prix Goncourt pour son deuxième roman, Leurs enfants après eux, et le caractère prestigieux de l'œuvre s'en trouve évidemment renforcé. Réalisé par le téléaste renommé Alain Tasma ( Rastignac ou les ambitieux, A Cran, Fracture, Le Viol...) qui en a co-écrit l'adaptation avec Nicolas Mathieu, Aux animaux la guerre (un vers de la fable de La Fontaine Les Animaux malades de la peste) est un thriller social extrêmement prenant, nanti de personnages fascinants, dessinant en creux la cartographie d'un coin des Vosges où le destin d'ouvriers se fracasse sur la désindustrialisation et des perspectives d'avenir réduites à néant les contraignant pour quelques billets à des boulots d'appoint et des magouilles qui pourraient bien leur valoir des déconvenues irrémédiables. Aux Animaux La Guerre est une série chorale qui déploie sa galerie de personnages autour d'une inspectrice du travail impliquée dans son job, d'un ouvrier poussé à la tête du syndicat de l'usine bientôt fermée et d'un bodybuilder impressionnant qui flirte avec les embrouilles. C'est la grande force de la série de se doter de personnages impeccablement caractérisés, avec de l'épaisseur et une véritable densité et de les inscrire dans un contexte social fort qui permet de porter un regard sur la France d'aujourd'hui avant de basculer dans le thriller noir anxiogène.

Les deux parties distinctes -sociétale et de genre- ont la particularité de découler l'une de l'autre et d'être aussi réussies l'une que l'autre, empreintes d'un certain réalisme et témoignant d'une même envie des personnages: se sortir de l'ornière dans laquelle ils sont pris en se battant pied à pied et coûte que coûte. Doté d'excellents dialogues et d'une intensité constante on se passionne pour cette histoire, ces zones d'ombre disséminées çà et là, même si la multiplication des intrigues parallèles peut quelque peu décontenancer tout comme un rythme qui demande à infuser pour trouver sa vitesse de croisière. Osant parler de la solitude, de la précarité, de la peur du lendemain, des fins de mois difficiles, des jugements des autres lorsque l'on n'entre pas dans la norme, des coûts exorbitants pour s'occuper de ses parents dans une société où prévaut l'égoïsme, la dimension sociologique de la série lui confère une amplitude rare dans la fiction française. Pour ce qui est du thriller, les fils de l'intrigue semblent un peu plus distendus avant que ne s'agencent petit à petit les pièces du puzzle et que se croisent les différentes composantes pour dépeindre un tableau à la fois sombre et fascinant.

Pour camper ces personnages au bord du gouffre, Alain Tasma a réuni une distribution disparate mais totalement crédible du plus petit au plus grand rôle. En figures de proue, Roschdy Zem et Olivia Bonamy font preuve d'une sobriété exemplaire et d'une justesse de chaque instant, leur jeu grimpant en intensité au fil des épisodes. Autour d'eux, Rod Paradot ( La Tête Haute, Ad Vitam) confirme un jeu à fleur de peau d'une sensibilité rare et son duo avec Lola Le Lann (rebelle et lumineuse) fonctionne vraiment bien. Tchéky Karyo, Eric Caravaca ou Dani sont une caution supplémentaire du sérieux de l'entreprise et de la finesse des rapports humains et des conflits qui s'instaurent au fil des épisodes. Mais c'est le culturiste Florent Dorizon, néophyte en tant qu'acteur, qui est le plus saisissant, passant de la tendresse à la brutalité, de la naïveté à la rage. Il s'intègre aux comédiens confirmés avec une impressionnante facilité. Tous ces acteurs savamment choisis sont les rouages essentiels d'une série noire de jais qui vous emporte dans son sillage dès lors qu'on s'y abandonne.

Crédits: France 3 / Storia Télévision/ Europacorp Television