AU POSTE (Critique DVD)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS: Un poste de police. Un tête-à-tête, en garde à vue, entre un commissaire et son suspect.

Au Poste ! est déjà le sixième film en qualité de réalisateur de Quentin Dupieux après Nonfilm en 2001, Steak en 2007, Rubber en 2010, Wrong en 2012, Wrong Cops un an plus tard et Réalité il y a trois ans. Déployé sur un pitch plus conventionnel qu'à l'accoutumée - l'interrogatoire d'un témoin qui vient de découvrir un cadavre en bas de son immeuble par un enquêteur de police, avec unité de lieu (un commissariat) et de temps (la soirée) - est composé d'un casting populaire ( Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig, Orelsan, Anaïs Demoustier, Marc Fraize)...

Les fans de la première heure, rassurez-vous. Même s'il aspire probablement à toucher un plus large public avec son casting bankable, son apparente simplicité et son aspect moins bordélique, Dupieux reste néanmoins l'artiste zélé et unique qu'il a toujours été. Barrée et drôle, tant sur le plan du concept que de la forme, Au poste ! est une petite pépite, une excellente comédie, courte (1h14) mais sans gras, où rien n'est à jeter et où tout fait mouche...

Répondant à certains canons, la narration alterne ainsi un récit au présent - la fameuse audience du témoin ( Grégoire Ludig) par le commissaire ( Benoît Poelvoorde) qui tape à la machine à écrire - et des flash-backs qui permettent de retracer chronologiquement, selon l'unique point de vue du coupable présumé, le déroulement supposé des événements l'ayant conduit à découvrir le cadavre en bas de chez lui. A l'instar du story-telling singulier de Réalité, la force du concept réside ici dans l'évitement de la banalité avec l'irruption rapide et aberrante au sein des flash-backs d'éléments familiers, rencontrés ou vécus au présent, sous forme d'hallucinations acoustico-verbales ou visuelles venant troubler la perception du spectateur. Manière pour Dupieux d'abolir une nouvelle fois les frontières (temporelles et spatiales) du récit et d'apposer sa signature. Cette structure sans entrave, en forme de poupées russes entre présent et passé, participe évidemment à créer une expérience récréative en procurant l'impression permanente de vivre une sorte de " rêve éveillé ". Clou du spectacle de ce schéma narratif facilement redevable à Quentin Dupieux ? Les dix dernières minutes qui brisent tous les murs et redistribuent les cartes en enrichissant notre façon de percevoir certaines informations préalablement transmises (au passage, gardez bien les oreilles et les yeux ouverts pour ne pas passer à côté de certains caméos !) et en ouvrant une nouvelle piste inéluctablement refermée...

Le dispositif sur lequel repose Au Poste ! a beau être extrêmement simple à première vue (un huis-clos bâti autour d'une intrigue policière carrée), c'est finalement de cette épure que provient sa force comique. Dans le fond, le cinéaste s'en donne en effet à cœur joie pour faire rire, avec toujours ce même mélange ultra-efficace d'humour insidieux et caustique qui lui est cher : la mise en abîme nonsensique donc, mais aussi des dialogues savoureux et absurdes entre les deux protagonistes principaux (qui dissertent, entre autres, sur le fait d'avoir un peu faim, moyennement faim ou très très faim et de ce qui est palpitant ou chiant au sein d'un récit rapporté), un ton incongru, des situations plaisantes, l'absence de faux-semblants et la résolution Dupontelienne de la trame, une petite galerie de personnages secondaires décalés et ordonnés (mention spéciale pour l'acolyte de Poelvoorde, le flic borgne Philippe), et son lot de gags surréalistes et noirs (ceux de l'équerre et du trou dans la poitrine de Poelvoorde rappellent qu'il s'agit là d'un domaine où Dupieux règne en maître !)...

Si on se laisse facilement porter jusqu'au bout du face-à-face insolite d' Au Poste !, c'est aussi grâce à l'excellente dynamique à la Blake Edwards qui émerge du duo Poelvoorde/Ludig. Au-delà de l'écriture au poil de Dupieux, jouant à merveille sur les contrastes entre les deux personnages, Benoît Poelvoorde est toujours aussi génialement cinglé et la jeune recrue du Palmashow, Grégoire Ludig, comme un poisson dans l'eau, collant à la perfection au monde déluré du cinéaste. Les deux compères créent ensemble une complicité évidente à l'écran, et on se prend alors des barres à voir le premier exercer une pression morale sur le second pour le conduire aux éventuels aveux...

Autre détail non négligeable : la très bonne utilisation du décor principal, fonctionnant en partie sur une imagerie vintage très précise et fortement ancrée dans l'inconscient collectif (le commissariat de police à l'américaine!). Si la succession de catastrophes et de maladresses sont aussi brillamment mises en relief, c'est grâce à la superbe photographie et l'élégance de la mise en scène de Dupieux dans ce décor unique et spécial. Avec Au Poste !, Quentin Dupieux livre une comédie irrésistible et surprenante, jouant à fond avec les codes de certains arts pour mieux en redynamiser leur armature.

Retrouvez l'intégralité de la critique de Robin Fender ici

DÉTAIL DES SUPPLÉMENTS:

Le film commenté par Quentin Dupieux

Répétitions des comédiens sur le plateau

La lettre de motivation de Philippe/ Marc Fraize

Titre Original: AU POSTE !

Réalisé par: Quentin Dupieux

Casting : Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig, Anaïs Demoustier ...

Genre: Comédie

Date de sortie en DVD, Blu-ray et VOD le 14 novembre 2018

Distribué par: Diaphana Edition Video

EXCELLENT