En guerre

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Diaphana ainsi qu’à Cinétrafic pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « En guerre » de Stéphane Brizé.

« Nous avons les mêmes trous du cul ici, ils sont partout... Votre combat est le nôtre ! »

Malgré de lourds sacrifices financiers de la part des salariés et un bénéfice record de leur entreprise, la direction de l’usine Perrin Industrie décide néanmoins la fermeture totale du site de l’usine d’Agen.

Accord bafoué, promesses non respectées, les 1100 salariés, emmenés par leur porte-parole Laurent Amédéo, refusent cette décision brutale et vont tout tenter pour sauver leur emploi.

« On s’est fait enfler tous ensemble, il faut donc qu’on se batte tous ensemble. Parce que quand elle sera fermée l’usine, se sera terminé »

Longtemps acteur de comédies notamment chez Claude Lelouch, Coline Serreau ou Diane Kurys, Vincent Lindon commence à incarner des personnages aux préoccupations sociales à la fin des années 90 dans les films de son ami Pierre Jolivet (« Ma petite entreprise »). Avant de devenir peu à peu l’icône d'un cinéma engagé et humaniste, s'intéressant aux sujets de société pour tenter de dénoncer les injustices de notre époque. Qu'il s'agisse des crises migratoires (« Welcome »), de l’exploitation de la misère par les banques et les sociétés de crédit (« Toutes nos envies ») ou encore de la brutalité du monde du travail (« La loi du marché »). Deux après avoir obtenu le César et le Prix d'interprétation à Cannes pour son rôle de vigile, il retrouve le réalisateur Stéphane Brizé avec qui il (re)part « En guerre », dans une lourde charge contre les dérives du libéralisme. 

« On est en train de crever et on se fout sur la gueule. Ils n’attendent que ça là-haut. Ils doivent se régaler ! »

Le cinéaste imagine ainsi la fermeture d'une usine de province appartenant à un grand groupe international, dans la lignée des nombreuses fermetures d'usines qui ont défrayées la chronique ces dernières années (Goodyear, Molex, Continental...). L'occasion pour lui de nous faire vivre le combat des ouvriers de l'intérieur, jour après jour, avec beaucoup de réalisme et de précision. Plaçant sa caméra au cœur du dialogue social, Brizé capte ainsi la rage au cœur et l'énergie du désespoir de ceux qui n'ont plus rien à perdre. Un combat âpre et que d'aucun dirait perdu d'avance. Car le système, parfaitement huilé, se révèle incroyablement cynique : les plus forts (l'entreprise) ont les reins assez solides pour attendre que les plus faibles (les ouvriers) se  divisent et s'épuisent pour passer en force. Le tout avec la complicité tacite des pouvoirs publics et des lois (qui obligent le propriétaire à rechercher un repreneur mais pas à vendre l'usine si l'offre n'est pas jugée satisfaisante). Brizé et Lindon se lancent ainsi à corps perdus dans une croisade morale contre un système qui tolère que des grands groupes bénéficiaires puissent fermer des usines et casser des emplois pour augmenter leur rentabilité. Mais si la démonstration demeure sans appel, on regrette le parti pris jusqu’au-boutiste du cinéaste, à l’image du débordement final contre le grand patron qui, s’il résonne comme un lointain écho aux débordements chez Air France, donne lieu à une scène improbable qui décrédibilise en grande partie la dimension réaliste du film. L'ultime scène, faisant du héros une figure christique, finit malheureusement d'achever les bonnes intentions et la portée du film. On gardera néanmoins la justesse des préoccupations sociales et morales de Stéphane Brizé et l'audace de faire un film réaliste sur une thématique sociale assez peu abordée au cinéma (citons quand même l’excellent « Violence des échanges en milieu tempéré » de Jean-Marc Montout). Avec en prime un Vincent Lindon une nouvelle fois magistral.

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Le DVD : Le film est présenté en version originale française (5.1 et 2.0) ainsi qu’en audiodescription. Des sous-titres français pour malentendants sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné du commentaire audio de Stéphane Brizé et de Bandes-annonces.

Edité par Diaphana, « En guerre » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray et VOD depuis le 2 octobre 2018.

Le site Internet de Diaphana est ici. Sa page Facebook est ici.

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