CERTAINS L’AIMENT CHAUD (Critique)

CERTAINS L’AIMENT CHAUD (Critique)CERTAINS L’AIMENT CHAUD (Critique)

SYNOPSIS: Deux musiciens de jazz au chômage, mêlés involontairement à un règlement de comptes entre gangsters, se transforment en musiciennes pour leur échapper. Ils partent en Floride avec un orchestre féminin. Ils tombent illico amoureux d'une ravissante et blonde créature, Alouette, qui veut épouser un milliardaire.

Autant ne pas faire durer le suspense, si " Personne n'est parfait " comme le rappelle la cultissime réplique d' Osgood ( Joe E. Brown), il se pourrait bien, en revanche, qu'un film le soit. Certains l'aiment chaud a en effet toutes les cartes en main pour décrocher le Graal. Auréolé de nombreux superlatifs depuis sa sortie (ou presque, la projection-test fut une catastrophe), il s'inscrit comme l'une des plus grandes comédies américaines de tous les temps. Racontant les aventures rocambolesques de Joe ( Tony Curtis) et Jerry ( Jack Lemmon ), deux musiciens de jazz qui, pour échapper à des gangsters, se travestissent et rejoignent un orchestre féminin où ils rencontrent Sugar ( Marilyn Monroe), ce film est toujours au goût du jour. Comment donc un classique, situé en 1929 et sorti en 1959, peut-il ainsi traverser les âges sans prendre une ride ?

Son état de grâce perpétuel, Certains l'aiment chaud le doit en grande partie à son chef d'orchestre. Billy Wilder parvient à jouer avec les faux-semblants et à confondre majestueusement les genres. Du titre du film trouvé un dimanche par son co-scénariste I.A.L. Diamond ( Some Like It Hot en VO, où le " it " pourrait aussi bien désigner le jazz que le sexe) au clap de fin, les pistes ne cessent d'être brouillées. L'ambiguïté est reine, de long en large, et en travers. Après une ouverture qui plonge le spectateur dans un film de gangsters, Certains l'aiment chaud trouve sa vraie nature, la comédie (romantique), et offre même quelques gags burlesques ou intermèdes " poupoupidou " musicaux non moins légendaires. Le Chicago glacial où règne la mort laisse la place à la Floride torride où les désirs s'expriment. Les hommes, enfin, deviennent des femmes, du moins en apparence. Et c'est là, la clé de voûte qui rend tout le reste possible : le travestissement de Joe et Jerry comme condition de survie sert de fil narratif au récit, mais surtout de barrière à la censure de l'époque. Car même si le puritanisme du code Hays est sur le déclin, la morale bien-pensante est toujours là pour remettre la décadente Hollywood sur le droit chemin. Billy Wilder, plutôt que de se plaindre, utilise sa créativité pour balayer la contrainte. En (r)usant de la comédie, des ellipses, des métaphores et du hors-champ, il ose nous montrer (ciel !) et nous faire entendre (ciel !) tout ce qui aurait pu être interdit : deux hommes travestis en femmes dont un qui pourrait bien y découvrir sa véritable identité sexuelle, deux femmes qui s'embrassent, une demande en mariage entre deux hommes, des allusions sexuelles à tout bout de champ, une scène de baiser à vous faire apparaître de la buée sur les lunettes... Sans parler de la robe quasi-transparente de Marilyn lorsqu'elle chante I Wanna Be Loved By You, dont l'érotisme tente vainement d'être atténué par un halo de lumière centré sur son visage.

CERTAINS L’AIMENT CHAUD (Critique)

Si Certains l'aiment chaud n'a pas pris une ride, c'est aussi parce qu'il fait écho à des problématiques actuelles. Le débat autour de la théorie des genres, d'abord. Le harcèlement sexuel subi par les femmes, ensuite. En se travestissant, Joe et Jerry, qui deviennent respectivement Joséphine et Daphné, vont en effet se (re)découvrir, mais aussi constater le quotidien d'une femme : pincement de fesse dans l'ascenseur, drague lourde et appuyée... Alors que Daphné, ne se trouvant " même pas jolie ", s'étonne de plaire, Joséphine lui répond : " Tu as une jupe, c'est comme un tissu rouge pour un taureau ". Ça ne vous rappelle rien ? Bref... De là, à dire que Billy Wilder était féministe, c'est une toute autre histoire ! Hein, Marilyn ?

CERTAINS L’AIMENT CHAUD (Critique)

Marilyn , justement, qui rend incontestablement Certains l'aiment chaud immortel. Bien qu'elle incarne à nouveau une femme-enfant plutôt vénale et pas très maligne (vous voyez qu'on n'est pas tellement dans le féminisme), bien qu'on ait lu et relu qu'elle fit vivre un enfer aux nerfs de toute l'équipe pendant le tournage (retards sur le plateau, difficulté à retenir ses répliques, prises à n'en plus finir...), sur l'écran, l'icône est bien là. Elle irradie, plus belle que jamais avec ce noir et blanc qu'elle avait pourtant refusé dans un premier temps ! Il suffit que Marilyn s'empare de son ukulélé ou murmure " I'm Through With Love " pour vous fendre le cœur et vous faire oublier tous vos maux. Mais ceux qu'elle ne fait pas oublier, bien au contraire, c'est le duo comique inoubliable que forment Tony Curtis et Jack Lemmon (tiens, à ce propos, on sait peut-être d'où vient l'inspiration de Jim Carrey). Ils ont beau se donner la réplique pour la première fois, une alchimie exceptionnelle transparaît à l'écran et grave pour longtemps certaines scènes dans nos mémoires comme celle, pour n'en citer qu'une, où Jerry-Daphné annonce à Joe-Joséphine ses fiançailles avec le milliardaire Osgood en jouant des maracas.

CERTAINS L’AIMENT CHAUD (Critique)

Au bout du compte, on pourrait se demander si tant de perfection, ce n'est pas agaçant. À quoi bon. Au-delà de sa 3e place au box-office en 1959 et de ses 4 millions d'entrées en France, de son seul Oscar pour les costumes (parce qu'il s'est retrouvé, pas de chance, face à Ben-Hur) mais de ses 3 Golden Globes (1 comme meilleure comédie, 1 pour Marilyn Monroe et 1 pour Jack Lemmon), il ne faut pas 7 ans de réflexion pour s'assurer que Certains l'aiment chaud est une pépite qui donne l'impression d'avoir été réalisée hier. Absolument pas ringarde. Absolument moderne. Une œuvre éternelle, tout simplement.

CERTAINS L’AIMENT CHAUD (Critique)

Titre Original: SOME LIKE IT HOT

Réalisé par: Billy Wilder

Genre: Comédie, Romance

Sortie le: 09 septembre 1959

Distribué par: Park Circus

CERTAINS L’AIMENT CHAUD (Critique)CHEF-D'ŒUVRE