Pearl

Pearl
Loin de la rengaine " I believe in fitness" prononcé tel un mantra par Daniel Lugo, dans le film de Michael Bay "Pain and Gain", le body-building de "Pearl" est un sport qui fait mal, qui rend triste et qui vous plonge dans la solitude la plus complète, avec comme seul objectif celui de gagner la compétition. Une vie de forçat, coincée entre les machines d'une salle de sport, un shaker, des protéines et le faste des tenues pour parader. Un monde que Elsa Amiel, ancienne assistante réalisatrice sur des films de Bonello nous fait découvrir, après plus d'un an d'immersion dedans, ponctué de moult rencontres dont celle de Julia Fory, son interprète principale, sa "Léa Pearl" !
Je le répète souvent, mais le cinéma français m'emmerde ! Oui cela ne m'emballe pas, sauf que chaque année au "fifib" on me démontre plus aisément qu'un théorème mathématique complexe, que j'ai tort et j'en suis le premier heureux. Elsa Amiel avec "Pearl" fait partie d'une génération de cinéaste féminine passée par le fifib qui ont du talent et de l'énergie à revendre, avec des sujets qui paraissent au premier abord, fort peu cinématographique.
"Pearl" est un film qui m'a touché, emporté et profondément ému. Où le sujet qui ne m'emballait pas plus que ça, a été bien négocié par sa réalisatrice en livrant un récit concis, énergique et puissant sur une femme à la recherche du bonheur.
L'histoire que nous raconte Elsa Amiel et Laurent Larivière son co-scénariste se passe dans le milieu du body-building. On découvre une jeune athlète Pearl se préparant auprès de son coach Al, ancienne gloire de ce milieu, qui compte sur elle pour revenir sur le devant de la scène. Mais comme rien n'est simple pour Pearl, elle doit aussi faire face à la réapparition soudaine de son ex et de son fils Joseph. Comme ça, il n'y a rien de transcendant, mais en mêlant habilement ce milieu de compétiteur avec la vie personnelle de Pearl, l'histoire interroge sur bien des points et surtout elle ne manque pas d'émotions. La réalisatrice interroge ainsi sur la féminité, la maternité, la solitude, les sacrifices, les rêves et sur la capacité à endurer la douleur, autant physique que mentale. Mais elle ne s’arrête pas là, en parlant aussi de bonheur, sur les voies que l'on peut emprunter pour l'atteindre et aussi sur le fait de le voir et de l'accepter !
Le portrait de cette athlète ne serait pas complète, sans le coup d'haltère porté par la réalisatrice aux hommes dans ce film. Ou le père de Joseph, ne semble être qu'un bon à rien qui ne sait que se plaindre sans jamais se remettre en question, notamment vis a vis de Pearl et enfin il y a aussi le coach ! Homme tout puissant, qui maîtrise les émotions et la sexualité de sa protégé, quitte à en profiter sans se soucier de son bien-être. Deux hommes qui sont le reflet d'une seule pièce, celle de l'oppression masculine sur "Pearl" qu'ils ne souhaitent que contrôler, hormis un petit bonhomme de 6/7 ans plein d'empathie pour cette mère qu'il tente d'apprivoiser.
Elsa Amiel livre alors un film véritablement "punchy", qui nous prend avec elle dans son univers sans jamais nous lâcher ! Les différents décors sonnent comme des décors de low-fi, ou le monde normal n'existe plus, ou seul la lumière feutrée éclaire ces êtres hors normes, où les bâches ressemblent à des peaux en perpétuelle évolution. Un monde à la fois glauques et séduisant, où le corps parfait n'est pas qu'un but à atteindre, mais bien une philosophie de vie, avec ses dieux, ses déesses et ses parias. La réalisatrice film cela avec bienveillance et magnifie le corps de son interprète principale, sculpturale, magnétique et lumineuse. Une super-héroïne qui va s'ouvrir peu à peu vers son fils, trouvant en lui une figure rassurante, comme lui une mère, lors d'une séance de communication "brute" mais tendre, ou comme une maman lionne elle donne la béquée à son petit, avant que lui ne la rassure d'une simple caresse. Des instants de grâces, pleins de tendresses et de sincérités, qui vous arracheront une petite larme tellement ces scènes sont justes !
Quant au casting, on trouve Peter Mullan dans le rôle du salaud de coach, Arieh Worthalter dans celui de l'ex de Pearl, Agata Buzek dans celui d'une ancienne athlète que "Al" connaissait, une personne pleine d'exubérance et emplie d'une douce folie, puis Julia Föry une vrai "bodybuildeuse" qui est sensationnelle et enfin le petit Vidal Arzoni absolument craquant dans le rôle de Joseph.
Bref "Pearl" est un beau premier film, touchant, vibrant et juste !