DÉSOBÉISSANCE (Critique)

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SYNOPSIS: Une jeune femme juive-orthodoxe, retourne chez elle après la mort de son père. Mais sa réapparition provoque quelques tensions au sein de la communauté lorsqu'elle avoue à sa meilleure amie les sentiments qu'elle éprouve à son égard...

Ronit ( Rachel Weisz) apprend la mort de son père et revient dans sa communauté juive orthodoxe du Nord de Londres (qu'elle a fui des années plus tôt) pour son enterrement. Elle y retrouve Dovid ( Alessandro Nivola) et Esti ( Rachel McAdams), ses amis d'enfance aujourd'hui mariés, mais des sentiments oubliés entre Esti et elle semblent resurgir. Désobéissance, comme son titre l'indique si bien, parle de l'acte de désobéir, d'aller contre les règles, et ici plus précisément d'aller contre ce qui est attendu de soi dans une société (ici une communauté juive orthodoxe). Désobéir, c'est aussi transgresser c'est-à-dire ne pas suivre l'ordre, enfreindre la loi, ici religieuse. Sans vouloir trop en révéler, c'est ce que vont finir par faire certains personnages, chacun pour des raisons et des motivations différentes, mais la première est bien entendu perçue comme une transgression amoureuse. Le long-métrage s'ouvre d'ailleurs sur les paroles d'un vieux rabbin qui dit que, contrairement aux créatures que sont les anges et les bêtes, Dieu a créé les êtres humains avec le libre-arbitre, donc avec la liberté de choisir, avec le pouvoir de désobéir. Il se demande ensuite si cette idée de création est venue après coup avant de s'écrouler, foudroyé par une crise cardiaque (on comprendra après qu'il s'agit du père de Ronit ). La question sera au cœur du film...

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Désobéissance se passe dans un monde religieux très codé où il faut préserver les apparences et l'ordre : cela passe par le mariage, les rituels, le silence, la coiffure des femmes, l'honneur de la communauté (d'où une solitude certaine des trois personnages)... Tout ceci est régi par des hommes. On peut donc y voir une critique de la société patriarcale : le rapport au père (celui de Ronit, rabbin très respecté), aux maris, aux hommes, qui prennent des décisions pour les femmes. Élément évident avec les perruques que les femmes mariées doivent porter en signe de pudeur. Il y a donc toute une réappropriation de la part des deux personnages féminins : elle passe par le changement de nom pour Ronit (quitte à renier ses origines juives) et par le corps pour Esti, qui s'expose nue devant son mari sans honte alors qu'elle cache ses cheveux, métaphore de sa " vraie nature ", en portant une perruque en public. La réappropriation peut se faire rupture, voire rejet de ce qu'on leur a inculqué et imposé, et passe également par la cigarette : Esti fume en cachette, contrairement à Ronit qui fume régulièrement en public, ce qui définit bien leurs personnages entre celle qui assume et l'autre non.

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Le long-métrage est donc à la fois une œuvre sur la liberté, la libération, l'émancipation mais aussi sur le deuil : deuil d'un proche avec la mort du père au début du film, deuil de sa communauté avec l'exil, deuil par le renoncement et le sacrifice, et deuil (im)possible du premier amour... Affronter la mort de quelqu'un ou de quelque chose pour peut-être mieux s'assumer... De plus, l'une des grandes forces de Désobéissance est d'éviter les clichés attendus grâce à son écriture et à sa mise en scène intelligentes, et c'est là que (sans trop en dévoiler) le rôle de Rachel McAdams prend le pas sur celui, moins surprenant peut-être bien que primordial, de Rachel Weisz. En effet, par petites touches faites avec grande finesse, et ce tout du long, le film distille des éléments pour comprendre ce qu'il s'est passé il y a des années au sein de cette communauté et pour en apprendre plus sur la relation entre les trois protagonistes. Le long-métrage impose ainsi un rythme lent pour mieux laisser respirer ses personnages et pour permettre aux spectateurs de les comprendre.

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Et justement, pour ces deux femmes éprises de liberté, il fallait deux actrices incandescentes et les deux Rachel le sont, chacune en miroir de l'autre. L'une libre et insolente, l'autre réservée et discrète. Toutes deux fortes, et en décalage avec leur milieu d'origine commun. Notons les choix audacieux de Rachel McAdams depuis quelques années, que ce soit avec Spotlight, Passion ou Game Night cette année aussi, qui sortent du typecasting qui semblait la réduire aux héroïnes de comédies romantiques. Face à ces deux magnifiques interprètes, Alessandro Nivola surprend : le Pollux de Volte/Face ( Face/Off, dont c'était le premier rôle au cinéma) incarne un personnage aux antipodes avec cet homme sage et mesuré, particulièrement émouvant, et dont on se demande s'il ne va pas lui aussi exploser sous la pression de sa communauté. La partition de ce trio fonctionne ainsi à merveille et donne proprement vie au film.

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Moins lyrique que son précédent (le très beau Une femme fantastique, Oscar du Meilleur Film Étranger en mars dernier), cette première expérience américaine du cinéaste chilien Sebastian Lelio apparaît certes de prime abord austère (lenteur, photographie grisâtre...), mais petit à petit fait resurgir les passions refoulées, jusqu'à une belle montée en puissance qui finit par nous embarquer complètement dans cette histoire d'amour. Cependant, le réalisateur, adepte des séquences musicales ou du symbolisme des morceaux de musique populaires (revoir la séquence sur A Natural Woman de feu Aretha Franklin dans son précédent film), s'octroie un moment à la fois lyrique et intime avec une chanson pop de 1989 de The Cure : LoveSong, marque du profond romantisme du long-métrage, qu' Esti murmure à Ronit quand elle l'entend à la radio. Les premières paroles "Whenever I'm alone with you, You make me feel like I am home again..." ("A chaque fois que je suis avec toi, je me sens chez moi...") révèlent à elles seules le passé et la relation entre les deux femmes, d'autant plus que " Ronit " signifie chanson " en hébreu, comme si cette dernière avait été dans la tête d' Esti durant toutes ces années, telle une mélodie dont on ne peut se défaire, ou qu'on ne peut oublier. Un peu comme ce film, dont on pourra peut-être regretter la fin ouverte, mais qui, par sa sincérité, son intelligence et cette émotion qui surgit sans crier gare, reste dans nos esprits et se place assurément comme l'un des meilleurs de l'année.

DÉSOBÉISSANCE (Critique)

Titre Original: DISOBEDIENCE

Réalisé par: Sebastian Lelio

Genre: Drame, Romance

Sortie le: 13 juin 2018

Distribué par: Mars Films

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