Le scandale Clouzot

Un grand merci aux Editions Montparnasse pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Le scandale Clouzot » de Pierre-Henri Gibert.

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« Le cinéaste a su faire des névroses humaines un spectacle palpitant »

Avec Le Salaire de la peur, Les Diaboliques, Quai des orfèvres, Henri-Georges Clouzot a été un maître du suspense et a su faire des névroses humaines un spectacle palpitant. S’il a influencé des cinéastes contemporains majeurs (Friedkin, Spielberg), Clouzot reste sous-considéré en France. Or il est bien un auteur, avec une vision du monde singulière, l’un des rares à avoir réussi la fusion entre une culture française d’étude des personnages et une culture anglo-saxonne du grand spectacle. En se penchant sur sa vie romanesque et son œuvre, on découvre un homme insaisissable, touche-à-tout, inventif. Faire le protrait d’Henri-Georges Clouzot, c’est faire le portrait d’un visionnaire, d’un agitateur, d’un artiste contre le système.

« L’important n’est pas de lutter contre ses adversaires mais contre ses propres faiblesses »

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Malgré une filmographie assez resserrée (à peine treize films plus deux inachevés en vingt-cinq ans de carrière), Henri-Georges Clouzot demeure encore, quarante ans après sa mort, l’un des cinéastes les plus importants et les plus intéressants du cinéma français. L’un des plus primé également puisqu’il est un des rares cinéastes mondial - avec Antonioni et Altman - à avoir été sacré dans les trois principaux festivals internationaux (Cannes, Berlin et Venise). Il faut dire que sa filmographie contient quelques chefs d’œuvre absolus comme « L’assassin habite au 21 », « Le corbeau », « Quai des orfèvres », « Le salaire de la peur » ou encore « Les diaboliques ». Des films souvent tourmentés, au suspens haletant, et marqués par une vision plutôt sombre et pessimiste de la nature humaine, qui resteront comme une source d’inspiration pour nombre de cinéastes contemporains.

« Une fois sur le plateau, il prenait plaisir à dominer les autres »

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Avec « Le scandale Clouzot », Pierre-Henri Gibert (déjà auteur d’un documentaire sur l’illustre Robert Bresson, autre figure du cinéma français) signe un court mais passionnant documentaire consacré à ce cinéaste génial mais controversé dont il dresse un portrait sans fard, témoignages et images d’archives à l’appui. Car derrière le réalisateur visionnaire, Clouzot trainait derrière lui une réputation des plus sulfureuse. Et pour cause, lui qui poussait le perfectionnisme jusqu’à la maniaquerie (au point de devoir abandonner deux films en cours de tournage) avait la réputation de se comporter comme un tyran sur les plateaux, faisant régner une véritable terreur sur ses équipes. Le documentaire fait même état de violences physiques sur les acteurs, Clouzot n’hésitant pas à gifler tout aussi bien Brigitte Bardot (qui lui a rendu sa gifle !) sur « La vérité », Bernard Blier sur « Quai des orfèvres » ou encore le grand Charles Vanel sur « Le salaire de la peur ». Mais il y a aussi dans l’œuvre de Clouzot une certaine morbidité latente, obsession qu’il traine depuis l’enfance et qu’il filme avec une part de sadisme, comme lorsqu’il met en scène la mort de Véra Clouzot, sa propre femme, dans « Les diaboliques », en poussant le vice jusqu'à recourir à la maladie cardiaque dont elle est véritablement atteinte et qui l’emportera prématurément quatre ans plus tard. Mais la plus grande zone d’ombre du personnage demeure sans aucun doute sa fructueuse collaboration avec la Continental Films, société de production allemande fondée à Paris pendant l’occupation, qu’il n’assumera qu’à demi-mot. Manipulateur, il jouera avec cynisme sur l’ambigüité de son film « Le corbeau » qui lui valut d’être remercié par Alfred Greven, patron de la Continental, pour se dédouaner. Pierre-Henri Gibert signe là une plongée fascinante dans les méandres sinueux de l’esprit d’un cinéaste tour à tour génial, complexe, dangereux et quand même un peu détestable. Passionnant.

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Le DVD : Le film est présenté en version originale française (2.0) sans sous-titrage.

Côté bonus, le film est accompagné de la « Masterclass Clouzot au Festival Lumières 2017 » par Pierre-Henri Gibert.

Edité par les Editions Montparnasse, « Le scandale Clouzot » est disponible en DVD depuis le 21 août 2018.

Le site Internet des Editions Montparnasse est ici. Sa page Facebook est ici.