Mademoiselle de Joncquières (2018) de Emmanuel Mouret

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Neuvième long métrage pour le réalisateur Emmanuel Mouret, qui cette fois ne joue pas dans son film. Cette fois il quitte le monde contemporain et la comédie douce amère comme "Un Baiser s'il vous plait" (2007), "L'Art d'Aimer" (2011) ou (2015) pour adapter une partie du roman "Jacques le Fataliste et son maitre" (1778-1780), épisode de madame de la Pommeraye (texte sans titre original) signé de Denis Diderot. Histoire déjà adapté avec "Les Dames du Bois de Boulogne" (1945) de Robert Bresson. L'oeuvre de Diderot est un "roman complexe, déconcertant et déroutant par ses disgressions" qui "raille ouvertement les poncifs du genre", donc si on pense fortement à "Les Liaisons Dangereuses" de Choderlos de Laclos il y a une différence de taille, l'absence de cynisme. Néanmoins la tagline "aimer, séduire, manipuler, intriguer, se venger" renvoie bien au roman et au titre de Laclos.

S'il s'agit de la première incursion de Emmanuel Mouret dans un film en costume il n'a pas, semble-t-il, été perdu dans ce qui reste son style de prédilection, le marivaudage. Pour cette histoire Emmanuelle Mouret a réuni un joli casting comme à son habitude, mené par Cécile de France après "Otez-moi d'un doute" (2017) de Carine Tardieu. A ses côtés le casanova de service incarné par Edouard Baer qui retrouve le costume quelques années après "Molière" (2007) de Laurent Tirard. L'amie de madame de la Pommeraye est jouée par l'excellente Laure Calamy qu'on avait beaucoup aimé dans (2017) de Léa Mysius tandis que le rôle titre revient à la jolie Alice Isaaz dans un univers qui la change du récent "La Surface de Réparation" (2018) de Christophe Regin... Le gros soucis du film réside dans le fait que le style d'Emmanuel Mouret associé aux conditions sine qua non du film d'époque accentue la sensation de théâtralité. Avec des dialogues littéraires, verbeux et répétitifs cette sensation devient une évidence, Mouret nous offre du théâtre filmé. Le tout est de savoir si c'est bel et bien un objectif du réalisateur-scénariste ?! Ces dialogues et ce rythme monotone est symptomatique des décors qui se résument à un parc bien triste, un château discret (dans son architecture mais aussi dans sa présence à l'image) et quelques salons. Des décors où se déroulent des scènes redondantes surtout dans sa première moitié.

On aura rarement vu un film d'époque aussi pauvre en décors pas aidé par une lumière appuyée et invariable. Le libertinage (pourtant au centre de l'intrigue) est résumée une simple recherche de plaisir occultant toute la philosophie qui se cachait derrière surtout à ce Siècle des Lumières. Reste les costumes, magnifiques bien qu'un peu propret surtout dans la catégorie sociale du petite peuple. L'atout majeur repose donc sur l'interprétation... Cécile de France est particulièrement en verve, on devine une certaine jubilation à incarner cette noble dame. Edouard Baer semble parfois anachronique, son dandysme est évident mais ne correspond pas à ces années pré-révolutionnaire. Les deux dames Joncquières sont parfaites, entre la mère aux aboies et touchantes et sa fille belle et vertueuse prise au piège de sa condition. En conclusion Emmanuel Mouret signe un comédie historique et dramatique dont la force reste son intrigue principale et son actrice principale. Mais le film reste trop figées, manquant de passion et d'un minimum de romanesque. Dommage...

Note :