[Venise 2018] “Accusada” de Gonzalo Tobal

Accusada - affpro - Gonzalo TobalDolores Dreier (Lali Esposito) est une jeune femme promise à un avenir radieux. Issue de la middle-class argentine, cette étudiante plutôt jolie et sexy, intelligente, sociable, vit dans un certain confort, entourée d’une famille aimante et protectrice et de nombreux amis. Son existence tranquille vacille une première fois quand sa meilleure amie, Camilla, la piège avec une sextape qu’elle diffuse sur les réseaux sociaux. Le second séisme a lieu quelques semaines plus tard, quand Camilla est retrouvée morte, assassinée, et que Dolores est désignée comme étant principale suspecte.

A quelques jours du procès, la famille Dreier fait front. Le père a engagé les meilleurs conseillers en communication, afin de redorer l’image de sa fille devant le jury, et le meilleur avocat du pays, pour mettre au point la stratégie de la défense et préparer la jeune femme aux questions sournoises du procureur.  L’issue du procès reste incertaine, car de nombreuses zones d’ombre entourent l’affaire, mais l’avocat est très confiant. Face au manque de preuves, le jury devrait prononcer l’acquittement.
En fait, la seule qui puisse mettre en péril ce verdict, c’est Dolores elle-même, qui semble de plus en plus agitée à l’approche du verdict, et se met à dévier de la stratégie soigneusement élaborée par ses proches.

Accusada joue avec les codes du film de procès et du thriller pour accrocher les spectateurs, mais on comprend assez vite que le cinéaste, Gonzalo Tobal, se moque totalement de la résolution de l’intrigue criminelle. Ce n’est qu’un prétexte pour dépeindre une société où la communication et les média occupent une place majeure. Internet charrie des flots d’informations contradictoires, des données personnelles qui peuvent faire ou défaire une réputation. N’importe qui peut commenter, critiquer, donner son avis sur tout et n’importe quoi, sans être expert. Ceux qui tirent leur épingle du jeu sont les meilleurs communicants, capables d’embobiner l’auditoire. Dans un tel contexte, les apparences règnent en maître et la vérité, tellement étouffée par des couches de mensonges ou les versions officielles dictées par les conseillers en communication, finit par disparaître totalement. Ce qui compte, c’est de garder intacte son image de marque, de conserver un vernis de respectabilité aux yeux du monde.
C’est d’autant plus vraie dans cette société argentine souvent en proie aux crises économiques et politiques, aux scandales de corruption et marquée par les années de dictature, dont tous les secrets n’ont probablement pas encore été révélés.

Que Dolores ait commis ou non ce crime importe peu. Si le verdict lui est favorable, elle reprendra une existence ordinaire. Si elle est déclarée coupable, elle purgera une peine d’au moins 25 ans de prison. Ceux qui sont persuadés de sa culpabilité ou de son innocence après les diverses interventions télévisées de l’accusée ou de la famille de la victime le resteront sûrement. Le reste de l’opinion oubliera l’affaire dès que la médiatisation retombera. En revanche, les taches que laissera cette épreuve sur les relations familiales, sur les liens de confiance entre les parents et leur fille, entre l’accusée et ses anciennes camarades, seront plus difficiles à éliminer.
C’est là que se trouve le coeur du film. C’est là, également, que l’on trouve les plus belles scènes, portées par la mise en scène de Gonzalo Tobal et les performances des acteurs, à commencer par Lali Esposito, ambigüe à souhait.

Accusada manque peut-être juste d’un peu d’ampleur, du petit supplément d’âme qu’auraient pu apporter, par exemple, un Pablo Trapero ou un Pablo Larrain. Mais c’est un petit film de festival solide et tout à fait respectable. Notre verdict? Plutôt favorable…