MISSION : IMPOSSIBLE – FALLOUT : Immortan Tom ★★★★☆

Par Le Cinéphile Anonyme @CinephilAnonyme

Plus sombre mais toujours aussi fun, le nouveau Mission : Impossible impose définitivement la saga comme une valeur sûre, en plus de proposer son lot de scènes d’action folles.

Depuis Protocole Fantôme et Rogue Nation, la saga Mission : Impossible semble avoir trouvé sa voie, en s’assumant à contre-courant de la majorité des blockbusters franchisés ; point de grandes batailles dégoulinant de VFX, point de post-modernisme facile et point d’humour grinçant cherchant à se dédouaner de la logique de son univers. A l’instar de sa star Tom Cruise, Mission : Impossible est investie dans son rapport au spectateur, dans son envie sincère de lui offrir un spectacle digne de ce nom, sans le prendre de haut, avec une passion débordante pour des émotions brutes, offertes grâce à une compréhension évidente des codes classiques de la narration. Christopher McQuarrie, qui est le premier cinéaste à réaliser deux volets de la licence, est de ce fait l’auteur le plus représentatif de cette note d’intention, et Rogue Nation jouissait déjà de belles références (Hitchcock pour la plus évidente) qui embrassaient avec plaisir les tropes du thriller et du film d’espionnage, sans peur du premier degré ou des passages obligés du genre. Fallout assume plus encore cette franchise, et ce dès les premières minutes du film, où Ethan Hunt reçoit son ordre de mission dans un exemplaire de L’Odyssée d’Homère. En plus de signifier un retour au foyer (impliquant une remise en cause de tous les épisodes précédents), ce référent est avant tout une indication de ce qui nous attend dans les 2h30 qui suivent : un périple aux multiples rebondissements, reflet psychologique d’un être abstrait, voguant au cœur de formules archétypiques qui amplifient son aura mythique.

Quand bien même Brad Bird est sans doute le cinéaste qui a apporté le plus de maestria à la saga Mission : Impossible, Christopher McQuarrie est celui qui a le mieux compris son protagoniste, jouant sur la caractérisation indécise d’Ethan Hunt pour le ramener justement à ce qu’il est réellement : un homme esseulé, obsessionnel, qui essaie en vain de devenir quelqu’un d’autre, avant de revenir systématiquement à son état primaire, une quasi-feuille blanche avec un complexe de sauveur. C’est pourquoi Fallout est pourvu d’une dimension tragique fascinante, la stase d’un monde qui commet encore et toujours les mêmes erreurs, et qui a donc besoin des mêmes héros pour le secourir, quitte à les empêcher de vieillir ou de mourir, comme le recherche Tom Cruise. La franchise a toujours joué sur des MacGuffins volontairement sommaires, comme si la forme que prenait le danger n’avait aucune importance, puisqu’il est voué à se reproduire éternellement. Ce nouvel opus ne déroge pas à la règle tout en la transcendant, choisissant une menace à base de plutonium que l’on jurerait tout droit sortie des années 80 (il s’agit clairement du point faible du métrage, qui oblige des justifications à base de tunnels de dialogues pas toujours finauds) mais en l’adaptant à un contexte géo-politique très actuel, où la question du terrorisme est traitée avec bien plus de subtilité que la majorité des productions de ce type.

Par ailleurs, Fallout se révèle aussi jouissif que glaçant par son choix d’une photographie sèche et rugueuse, qui accorde à l’ensemble un ancrage plus fort dans le réel, en particulier pour des spectateurs hexagonaux lorsque les rues de Paris (décor important du film) se transforment en champ de bataille. Ne serait-ce que pour cette évocation d’une actualité brûlante, que la France renie dans ses propres fictions, ce nouveau Mission : Impossible est une bouffée d’air frais, et un pur fantasme où la capitale ouvre son esthétique et ses monuments si singuliers aux délires les plus fous de McQuarrie et Cruise. Braquage de fourgon, course-poursuite endiablée en moto et en voiture : tout y passe et rend brillamment justice à la Ville Lumière, devenant pour l’occasion un terrain de jeu au ludisme grisant, et énième preuve du retard du cinéma français sur l’exploitation de son propre héritage culturel.

De toute façon, malgré son aspect plus sombre indiqué dans cette critique, Mission : Impossible – Fallout est, aux côtés des Indestructibles 2 et de Détective Dee 3, le blockbuster le plus cool de cet été, une proposition sincère de spectacle détonnant, dans laquelle la multiplicité d’effets pratiques et de morts potentielles de Tom Cruise (qui cherche définitivement à s’immortaliser à travers la figure d’Ethan Hunt) donnent le vertige et les mains moites. Sans jamais se prendre pour plus malin qu’il n’est, le long-métrage confirme l’élégance de la mise en scène de Christopher McQuarrie, ainsi que sa générosité d’artisan consciencieux. Comme dit précédemment, l’apparition de L’Odyssée est une profession de foi explicite : la promesse d’une structure narrative déjà vue et codifiée, mais traitée avec un sens de l’exigence old-school. Fallout est pour cela un film dont on ressort avec le sourire aux lèvres, tout simplement parce qu’il passe son temps à nous faire appréhender des séquences qu’il matérialise sur grand écran quelques minutes plus tard. D’une baston furieuse dans des toilettes à un climax vertigineux, se concluant sur un mano a mano au bord d’une falaise, l’ensemble récompense constamment son public en se montrant aussi décomplexé que diablement fun. Comme tout bon blockbuster devrait l’être.

Réalisé par Christopher McQuarrie, avec Tom Cruise, Henry Cavill, Rebecca Fergusson

Sortie le 1er août 2018.