VERSUS : Le Dîner de cons vs. Le Prénom

Par Ciné Maccro

Le Dîner de cons, comédie française de 1998, réalisé par Francis Veber, avec Jacques Villeret, Thierry Lhermitte et Francis Huster

Le Prénomcomédie franco-belge de 2012, réalisé par Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte, avec Patrick Bruel, Charles Berling, Valérie Benguigui et Guillaume de Tonquédec

On entend souvent dire depuis quelques années, que le cinéma français est merdique, que les comédies ne sont plus au niveau des grandes heures du septième art français. Pourtant, quelques irréductibles résistent encore à la facilité de la blague grasse et du film lourd. Le Dîner de cons et Le Prénom font partie de ceux-là, en mettant en place des comédies fines et calibrées à la frontière entre le cinéma et le théâtre, deux huis clos qui semblent très ressemblants. Mais les deux oeuvres sont-elles si similaires qu’on pourrait le laisser croire ? Tentatives de réponse en quelques points.

La principale qualité des deux films, et la différence avec la très grande majorité des productions comiques, réside en leur écriture très théâtrale. Héritier de Michel Audiard dans l’art subtil du maniement du verbe, Francis Veber se construit depuis quelques temps une carrière à la croisée de la caméra et du théâtre, et Le Dîner de cons n’échappe à la règle : tout d’abord pièce mise en scène par Pierre Mondy, Francis Veber adaptera son propre texte cinq ans plus tard pour le porter sur grand écran, conservant ainsi un esprit théâtral pour son huis clos. Huis clos adapté du théâtre, Le Prénom possède un profil un peu similaire, ces deux metteurs en scène qui avaient eux aussi, après des expériences de scénaristes, avaient écrit la pièce et l’adaptèrent par la suite. Cet esprit d’adaptation théâtrale se ressent dans l’oeuvre, frontalement avec un huis clos mais aussi de manière plus subtile dans les textes. En effet, si l’écriture semble similaire dans le registre lexical, on note également un certain rejet de la cacophonie, faisant plus attention que d’habitude à offrir à chaque personnage un temps de parole personnel, comme sur les planches. Cependant, outre ces points communs, certaines différences plus fines montrent les limites de la théorie du copier-coller entre les oeuvres. Si Le Dîner de cons va jouer tout du long sur le registre comique de l’accumulation en multipliant les situations comiques avec Jacques Villeret, Le Prénom va dans un premier temps jouer l’accumulation autour d’une situation qui implique quatre personnages, avant de jouer une certaine décompression en faisant rentrer Anna, la femme de Vincent, pour revenir sur un schéma plus classique d’accumulation burlesque. Si Le Dîner de cons repose sur le principe de la mécanique boulevardière (courant chez Veber), on trouve dans Le Prénom une accumulation des comiques qui explorent plus les différentes facettes des personnages.

La gestion des personnages s’avère être un formidable miroir des intentions de mise en scène. En effet, Le Prénom s’efforce à laisser ses personnages au sein de l’appartement, leur permettant la sortie que par un regard à la fenêtre ou par des souvenirs. Si les personnages restent enfermer, le spectateur aussi par le biais de la séquence d’introduction, comme si cette querelle de table n’était qu’une expression d’un destin inéluctable et que la décompression apparente de ce quintet, aux discussions très orientés sur la filiation et la généalogie, tend à nous décomplexer et à montrer la dangerosité des secrets. A côté de cela, Le dîner de cons propose lui plutôt une critique amère des préjugés et des clichés. Pour cela, plutôt que d’ancrer les personnages au sein de la pièce centrale, le film nous propose une succession de va-et-vient des personnages, pour montrer l’excitation de la vie autour mais également la volonté de fuite. Cette volonté s’incarne parfaitement dans le personnage de Thierry Lhermitte qui, introduit comme une personne intellectuellement supérieure, se détruit au fur et à mesure par son côté borné qui montre qu’il est lui aussi un con, un côté borné qui s’exprime notamment par sa volonté de fuite perpétuelle, comme s’il souhaite à tout pris fuir l’action pour se conforter dans son mode de pensée. Ce n’est d’ailleurs pas anodin que le mot « con » soit au pluriel dans le titre, car le dîner, qui semble s’incarner dans le repas de Cheval, autour duquel sont réunis plusieurs cons : Thierry Lhermitte et Francis Huster. Ces choix de mise en scène démontrent que, derrière la volonté de faire rire, les deux oeuvres poursuivent des buts moraux propre à chacune qui donne un double sens de lecture, et permet à chacun de s’y trouver, signe qui montre que malgré les différences, les deux oeuvres s’avancent comme des réussites en France dans leurs genres, et que l’on peut rire de beaucoup de choses, si cela être travaillé subtilement.

En nous offrant à une quinzaine d’années d’intervalle deux comédies théâtrales de très bonne couture, Francis Veber, Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte nous démontre que la comédie française n’a pas perdu son savoir-faire, et qu’en maniant subtilement les différents types de comique, on peut proposer un film intelligent au message moral subtil, renforcé tous les deux par des séquences finales aussi simples qu’efficaces. Si les deux oeuvres présentent certaines différences d’exercice, il n’en reste pas moins que Le Dîner de cons et Le Prénom restent deux excellentes comédies, portées par d’excellents metteurs en scène et des castings tout aussi savoureux, à voir et à revoir sans modération et avec toujours autant de rire. Preuve encore une fois que non, le cinéma français, ce n’est pas que de la merde.


Le Dîner de cons

Note :

4.5/5

Pur Veber, blindé de répliques tout aussi drôle les unes que les autres, Le Dîner de cons confirme un statut culte qui n’a pas été obtenu par hasard. Porté par un immense Jacques Villeret, le film est une comédie jouissive qui ne cesse de provoquer le rire chez le spectateur. Maîtrisé de bout en bout, le film s’impose comme un immanquable des dernières années, à rattraper de toute urgence si ce n’est pas déjà fait.


Bande-annonce : 


Le Prénom

Note :

4.5/5

Critique amère de la famille, Le Prénom est une comédie qui prend le contrepied continuellement, porté par un très grand casting qui nous surprend et nous fait rire tout du long, tout en incorporant une morale sur les valeurs familiales réussie. Une des meilleures comédies françaises de ces dernières années, qui vaut clairement le détour.


Bande-annonce :