UNE PLUIE SANS FIN : Un sentiment de déjà-vu ★★☆☆☆

Malgré sa bonne volonté, le premier long-métrage de Dong Yue peine à s’élever au rang de ses références.

Depuis son Grand Prix au Festival du film policier de Beaune, Une Pluie sans fin est principalement salué pour la maîtrise de son exécution et la myriade de sous-textes que parvient à y insuffler son réalisateur Dong Yue, dont c’est le premier long-métrage. Il est vrai que la maturité de sa mise en scène est par instants impressionnante, d’autant plus qu’il s’inscrit dans une pure tradition du polar asiatique et dans ses tropes de plus en plus essoufflés, qu’il modernise en plaçant son récit au cœur d’une Chine rural, peu de temps avant la rétrocession de Hong Kong. Yu Guowei, chef de sécurité d’une usine près de laquelle est perpétrée une série de meurtres, se sent pousser des ailes en menant sa propre enquête face à la police, au point de mûrir une véritable obsession. Tout en parvenant à développer une certaine empathie pour son personnage principal, brillamment campé par Duan Yihong, le cinéaste le dépeint en véritable anti-héros, pathétique rouage d’un communisme sclérosé, dans lequel il essaie de trouver, en vain, sa place. Le tout s’accorde alors avec la transformation politique de la Chine, toile de fond réduite ici à une ambiance mortifère, dans une campagne boueuse et terne rendue avec finesse.

Seulement voilà, une fois passé l’efficacité de son dispositif, Une Pluie sans fin peine à convaincre, en particulier par son manque de surprise. Il semble tout à fait opportun qu’un réalisateur mette en avant ses références (surtout sur une première expérience), mais Dong Yue tombe dans le piège du moine copiste. Ce n’est pas seulement l’ambiance et l’esthétique de Memories of Murder qu’il tente de reproduire, mais bien tout son premier acte, jusqu’à exploiter des décors similaires et leur manière d’être filmés. Dès lors, difficile de pleinement s’investir dans un jeu des sept différences, d’autant plus lorsque le chef-d’œuvre de Bong Joon-ho reposait sur une perversion constante de codes attendus pour souligner la dérive progressive de la psyché des personnages. En comparaison, la programmation très scolaire d’Une Pluie sans fin, même quand elle recèle de belles idées (notamment une course-poursuite très réussie), prive le métrage d’un déraillement nécessaire, et l’on regrettera une mécanique trop bien huilée où l’émotion se fait rare. L’exercice de style reste malgré tout louable (on sent l’enthousiasme évident du cinéaste, principalement dans certaines de ses tentatives formalistes), mais Une Pluie sans fin est un exemple typique de film bien trop pensé avec la tête, et pas assez avec le cœur et les tripes. Il lui manque le grain de folie de ses modèles (Seven est également très cité), le pas de côté qui font les classiques.

Réalisé par Dong Yue, avec Duan Yihong, Jiang Yiyan, Du Yan

Sortie le 25 juillet 2018.