ROULEZ JEUNESSE (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS: Alex, 43 ans, est dépanneur automobile dans le garage que dirige d'une main de fer sa mère. Un jour, il dépanne une jeune femme et passe la nuit chez elle, mais au petit matin elle a disparu lui laissant sur les bras trois enfants.

Après avoir signé Problemos, alias la meilleure comédie française de l'an passé, Éric Judor est de retour à l'affiche cette fois d'un premier film, et exit la comédie pure, on est ici dans un univers bien plus doux-amer. Dans Roulez Jeunesse, il interprète un dépanneur quarantenaire qui, après un concours de circonstance, se retrouve avec trois enfants sur les bras. De ce postulat finalement assez classique, Julien Guetta (co-scénariste de Joueurs, sorti il y a quelques semaines) tire une comédie dramatique à la fois bien menée et touchante. Comédie initiatique où un homme-enfant doit apprendre à s'émanciper pour lui-même s'occuper d'enfants, Roulez Jeunesse est également un film conscient des limites d'un système social faillible, où la raison prédomine constamment sur le cœur. Mais le jeune cinéaste arrive à imposer son regard sociétal sans être barbant, grâce à un ton justement dosé par les élucubrations typiques de Judor et convoquant de chaudes larmes de ses comédiens, dont Judor lui-même comme nous ne l'avions jamais vu. Et la force principale du film est là, dans cette balance constante entre la comédie et le drame, qui oscille toujours, sans jamais tomber dans le ridicule, vite arrivé dans ce genre d'entreprise périlleuse.

Malgré toutes ses qualités tonales, le film souffre malgré tout d'une linéarité narrative un peu attendue et déjà vue, mais cela reste néanmoins accessoire, tant le film séduit en étant très lumineux, chaud, bien éclairé et mis en scène avec élégance et simplicité, avec des choix musicaux bien sentis. Dans le garage où travaille notre protagoniste principal, on a le droit à une batterie de seconds rôles, tantôt poussifs tantôt pas assez, et ce malgré un Philippe Duquesne qu'on retrouve quelques semaines à peine après Au Poste !. Outre les enfants, très bons et naturels, on retrouve aussi avec plaisir la géniale Laure Calamy, qui l'était tout autant l'an dernier dans Ava, et qui dans un rôle maternel minimaliste et rancunier, est la parfaite balance de la force comique brute de Judor. Quant à ce dernier, il a donc ici le droit à un rôle très différent de ceux qu'il interprète usuellement, partant d'un rythme comique effréné en début de film pour arriver à une magnifique scène finale, loin du happy end habituel. On le sent impliqué à 110%, proposant même des moments de comédie assez prodigieux, et une justesse inattendue de sa part lorsqu'il s'agit d'être plus sérieux.

Au rythme des Nights in White Satin des Moody Blues ou de Day is Done de Nick Cave (excusez du peu !), on découvre in fine un film drôle et émouvant, mettant en lumière le talent versatile d'un acteur définitivement excellent et celui, naissant, d'un jeune auteur prometteur. Et qu'importe que la trame soit si classique, car on quitte la salle avec l'étrange impression d'avoir vu une jolie tranche de vie, car le traitement, lui, est simple, juste et choisit rarement la facilité.

BIEN