Dogman (2018) de Matteo Garrone

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Voici un des films majeurs du dernier Festival de Cannes, qui voit le retour du réalisateur italien Matteo Garrone qui avait connu un beau succès avec l'excellent "Gomorra" (2008). Pour ce film le réalisateur co-signe le scénario avec ses trois co-scénaristes habituels, mais il est aussi co-producteur aux côtés notamment des français Jean Labadie et Jeremy Thomas. Toute l'équipe se retrouve donc après "Tale of Tales" (2015), passant ainsi du fantastique des Contes Italiens de Boccace au conte noir et social contemporain. Les scénaristes se sont inspirés d'un fait réel effroyable de la fin des années 80 dans une banlieue déshéritée de Rome bien connu en Italie, à savoir un toiletteur pour chien qui était le souffre-douleur d'un ex-boxeur sorti de prison, jusqu'à ce que ce David décide de se venger de son Goliath... Toutefois on notera deux différences notables, d'abord l'époque (l'histoire du film se déroule aujourd'hui) puis la violence utilisée lors de la vengeance (dans la réalité il s'agissait d'une longue torture).

Pour les deux rôles principaux il a été choisi deux inconnus. Pour le toiletteur le choix s'est porté sur Marcello Fonte, un homme qui débuta comme doublure lumière sur le tournage à Cinecitta du film "Gangs of New-York" (2002) de Martin Scorcese alors qu'il ne connaissait ni Scorcese ni Daniel Day Lewis ! Après des années de galère, voilà qu'il obtient le premier rôle d'un film sélectionné à Cannes... Son "ami" sortant de prison est interprété par Edoardo Pesce aperçu dans "Fortunata" (2018) de Sergio Castellitto. Matteo Garrone précise que le choix de Marcello Fonte a été décisive : "Sa douceur et son visage antique qui semble venu d'une Italie en train de disparaitre..."... Et effectivement, son physique singulier et une voix particulièrement reconnaissable participe à la fragilité du personnage. L'acteur a également appris pendant trois mois le métier de toiletteur canin. Mais outre les acteurs on constate que le troisième rôle principal est bel et bien la ville où se déroule les faits. Une ville à la misère sociale digne du tiers monde et face à laquelle nos cités seraient presque des paradis.

Le cinéaste a d'ailleurs posé ses caméras à Villagio Coppola, une ville no man's land qui est connu comme un des exemples types de construction illégale en Italie. Délabrement et béton qui accentue la sensation de monde parallèle, une partie d'Italie délaissée à la loi du plus fort. C'est là que Simo devient un caïd incontournable à sa sortie de prison, se servant sans vergogne et notamment de son "ami" toiletteur Marcello partagé entre la peur et le "trop bon trop con". Dans cet univers macabre où personne en semble capable de voir au-delà de leur quartier le seul éclair de vie et d'espoir réside dans la petite fille de Marcello. Ce dernier se doit donc de "grandir", de pleutre tranquille et fragile il va se vouloir fort et délivré ce qui n'est pas une mince affaire dans un milieu où la trahison et la violence se trouve chez ses voisins. Matteo Garrone signe un thriller âpre et désenchanté ajouté à un conte moderne d'un pessimisme assez effrayant. A voir.

Note :

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