Cinq et la peau

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Carlotta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Cinq et la peau » de Pierre Rissient.

« Tout c’était passé comme si dans ma dérive, je m’étais laissé happé par Manille. Manille, Manyla, Manilla. Cette étrange manie que j’ai d’errer là »

Un homme, Ivan, retourne à Manille, apparemment sans but précis. Au gré de son errance et de ses rencontres, l’écrivain déambule dans la mégapole fascinante à la recherche de son passé et du sens de son existence.

« Il y a tant de personnages de roman que je connais mieux à l’intérieur que moi-même »

« Cinq et la peau ». Un drôle de titre qui renvoie, comme l’expliquera plus tard le héros du film, à une boisson alcoolisée chinoise tellement forte qu’elle « dégrise plutôt qu’elle ne grise ». A l’image de la ville de Manille, grouillante de vie, de bruits et d’odeurs. Distributeur, producteur et surtout immense cinéphile, Pierre Rissient restera célèbre pour avoir importé et fait connaitre en France nombre de cinéastes asiatiques (King Hu, Edward Yang, Lino Brocka...) jusqu’alors inconnus hors de leur pays. En marge de ses (nombreuses) activités, il réalisera également deux films : « Alibis » (1977) et « Cinq et la peau » (1981) qui nous intéresse ici. Un film centré sur l’errance d’un homme solitaire venu se perdre dans la grande capitale philippine. Une balade filmée comme une sorte de journal intime ou un carnet de voyage et racontée en voix off, dans laquelle le personnage, entre deux vers de Fernando Pessoa, nous raconte ses rencontres, ses expériences (souvent sexuelles) et ses états d’âme sur l’évolution du monde. Si les enjeux du récit paraissent souvent assez abscons, celui-ci séduit néanmoins par la poésie et la sensualité de certaines scènes, et notamment de la courte romance charnelle que le héros vit avec sa voisine d’hôtel, aussi perdue que lui. Mais pour le cinéaste, le film est aussi l’occasion de rendre hommage à la ville de Manille, la ville de son ami Lino Brocka (« Manille », « Insiang »). Une ville du bout du monde à l’identité singulière, marquée par le métissage (asiatique, hispanique et américain), et dont il filme les paradoxes (les hôtels et les appartements de luxe qui coexistent à côté des bidonvilles les plus miséreux, la sensualité d'une femme à la terrasse d'un café et le sordide des bouges à streap-tease) comme pour illustrer les inquiétudes de son héros quant aux dérives de la mondialisation qui impose une forme d’uniformisation et de déshumanisation du monde. Pour son deuxième et dernier film, le regretté Pierre Rissient signe là un film à la fois étrange et séduisant, sorte de balade existentialiste emprunte de spleen, dont la forme à la limite parfois de l’expérimental pourra sembler néanmoins déroutante.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans une nouvelle version restaurée 4k, en version originale française (1.0) ainsi qu’en audiodescription (2.0). Des sous-titres français pour malentendants sont également disponibles.

Côté bonus, cette très belle édition propose également « Cinq et la peau » par Pierre Rissient et Nicolas Pariser (27 min.), « Homme de cinéma : Pierre Rissient » de Todd McCarthy (2007 - 111min.), « Gentleman Rissient » : documentaire inédit réalisé par Benoît Jacquot, Pascal Mérigeau et Guy Seligmann (2015 - 80 min.) et une Bande-annonce originale.

Edité par Carlotta, « Cinq et la peau » est disponible en DVD ainsi qu’en édition prestige limitée blu-ray + DVD + goodies (fac-similé de « L’avant-scène cinéma » (N° 654, juin 2018), fac-similé du dossier dédié au film et paru dans « Positif » (N° 254/255, mai 1982), fac-similé de courriers de Pierre Rissient et de Bertrand Tavernier, l’affiche du film (40 x 60) et 5 cartes postales) depuis le 6 juin 2018.

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