Le thème et l’arc dramatique

Le thème n’est probablement pas une préoccupation majeure. Vous pourriez même ne pas y prêter une attention particulière. Néanmoins, si votre personnage principal apprend une leçon ou deux au cours de son aventure, par le mécanisme subtil de l’empathie, il est logique de penser que le lecteur a éprouvé par personnage interposé une même expérience.

L’évolution du héros ou de n’importe quel autre personnage de l’histoire (selon les besoins de celle-ci) reflète alors (et peut-être sans que l’auteur en est véritablement conscience) un ou plusieurs des thèmes véhiculés.

Prenons comme exemple un personnage principal qui souffre d’une addiction. Celle-ci est la faille majeure de sa personnalité. Elle peut s’expliquer par différentes raisons dont ce personnage n’a pas véritablement pris conscience. Ce peut être par son éducation, son milieu social… enfin toute explication raisonnable qui l’a mené à prendre cette pente tragique.
Et puis, il est difficile pour chacun d’entre nous de prendre témoignage de ses propres actions comme un simple observateur impartial qui ne juge pas. C’est un processus réflexif que de se prendre comme objet et de comprendre que nos actions sont mauvaises.
En fiction, le personnage principal a cependant l’opportunité d’aller au-delà de ce qui le torture intérieurement. Il peut prendre conscience de son problème personnel et dépasser par exemple son addiction.

Un objectif salvateur

Tout au long de l’intrigue, le personnage principal va tout tenter pour accomplir ce pour quoi il croit exister dans une histoire. Mais cet objectif est quelque peu fallacieux parce que le véritable but de son existence (certes fictive, mais cela le personnage l’ignore) est d’atteindre à sa véritable nature, à ce qu’il est vraiment.
Chose qui aurait été possible si son passé ne l’avait pas fait prendre un chemin qu’il n’aurait jamais dû emprunter. Partant de cette constatation, l’auteur est alors mis au défi de créer l’arc dramatique qui conte l’histoire de cette rédemption. Et c’est un salut qui nous est difficilement accessible dans la vraie vie. Alors le vivre par personnage interposé est comme une catharsis.

Le thème se manifestera dans l’arc dramatique. Même si l’auteur n’a aucune intention thématique, le thème s’invitera de lui-même dans l’histoire par l’arc dramatique de son personnage principal. Ce qui nous permet d’induire de la caractérisation du personnage (et en particulier de son intériorité blessée) un ou plusieurs thèmes.

Un thème n’est jamais très facile à formuler. C’est probablement la raison pour laquelle peu d’auteurs prennent la peine de seulement se montrer convaincant en tentant de l’énoncer. Par ailleurs, communiquer un thème est aussi un exercice difficile car il implique un canal de communication assez rude à arpenter.

Quoi qu’il en soit, un thème ne s’énonce pas succinctement. Thématiquement, il ne s’agit pas de montrer comment on peut vaincre une addiction. Le thème est plutôt par exemple comment cette addiction ruine la vie d’un couple. L’objectif du héros devient alors une question essentielle de comment sauver son couple. Son addiction est alors son véritable ennemi, l’antagonisme qui le fourvoie dans des obstacles qui cherchent à contrer sa volonté.
Quant au lecteur, il s’attend à comprendre comment une telle faiblesse a pu se produire parce que de cette compréhension de la situation exacte du protagoniste, il en concevra de l’empathie.

Et même si le personnage est trop impliqué avec lui-même pour s’apercevoir du mépris que lui inspirerait ses actions s’il pouvait les observer comme quelqu’un d’extérieur le ferait. Mais nous sommes dans une fiction. Reprenons l’exemple de notre héros embourbé dans une addiction. Cela met en jeu son couple. Nous avons vu que le véritable conflit est interne. Pourtant, nous devons le montrer afin que le lecteur puisse s’en saisir.

Le conflit extérieur, reflet d’intériorité

Pour montrer les dégâts occasionnés par la faille dans la personnalité d’un personnage, c’est dans sa relation à l’autre que se feront sentir les conséquences. La théorie narrative Dramatica met en avant deux personnages essentiels dans une fiction : le personnage principal et ce qu’elle dénomme un Influence Character. Ce second personnage est censé, pour faire court, influencer le personnage principal.

Si nous reprenons notre exemple d’un protagoniste affublé d’une addiction et dont l’enjeu est son couple, nous pourrons alors exprimer le conflit extérieur par le personnage de sa femme. Nous décrirons alors comment la relation entre ces deux-là se désagrège. Dramatica accorde à cette relation une importance vitale dans toute fiction et la décrit comme ligne dramatique (c’est-à-dire évolution) de la relation entre le personnage principal et son Influence Character.

Lassée de voir son amant se détruire et constatant sur elle-même le dommage moral de cette addiction, nous pouvons supposer qu’elle a commencé à voir quelqu’un d’autre comme un exutoire. Non seulement il y a enjeu mais nous plaçons aussi un compte à rebours, instrument dramatique par excellence. Si le héros ne répond pas à l’urgence de sa situation, il échouera.

L’aspect thématique est cependant un argument. C’est-à-dire que vous ne pourrez asseoir votre thème sans présenter à la fois les arguments avancés par le personnage principal et (en suivant Dramatica) ceux de l’Influence Character (comprenez que cet Influence Character peut être tout à fait qualifié d’antagoniste selon les exigences de l’histoire.
Pour que les personnages aient de la matière dramatique, il est indispensable de montrer au lecteur du scénario les conséquences des décisions de chacun des personnages.

Par ailleurs, pour que l’arc dramatique puisse s’étendre, il faut un certain nombre d’incitations comme autant de provocations. Le personnage principal ne peut pas logiquement se réveiller un matin sauvé par quelque espèce divine de son affligeant défaut.
Il doit en prendre la décision. Et ce sera un choix nourri par ses besoins, ses expériences et les conséquences de ses actes et choix antérieurs.