Jusqu'à la garde (2018) de Xavier Legrand

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Voici un film qui tombe à pic de par son sujet en pleine période post-Weinstein... Où comment traiter de la séparation et de la violence conjugale avec un oeil nouveau. Ce long métrage traite d'un thème qui n'est pas nouveau pour son réalisateur-scénariste puisque Xavier Legrand signe là rien d'autre qu'une suite, ou d'une version plus large de son court métrage "Avant que de tout perdre" (2014) qui fût multi-primé dont le César du meilleur court... Le cinéaste retrouve pour son projet les mêmes acteurs, à savoir la trop rare Léa Drucker et le monolithique Denis Ménochet. Pour les enfants, si on retrouve dans le rôle de l'adolescente Mathilde Auneveux, c'est le jeune Thomas Gioria qui reprend le rôle du cadet.

Pour son film Xavier Legrand s'est beaucoup documenté et a rencontré de nombreux protagonistes spécialistes (policiers, assistantes sociales, avocats...), tandis que les acteurs ont approfondi la psychologie de leur personnage. On suit donc une famille qui se désagrège depuis un moment, le film lui débute alors qu'un juge accorde une garde partagée du fils cadet avec le père bien que le fils ne veuille plus le voir. Dès le début on sait que le père n'est pas ni sain ni serein mais on s'attache surtout au déroulement des choses, et surtout on s'attache au fils cadet qui subit malgré lui le fait d'assumer pour lui et par lui une décision de justice qui ne lui convient pas. On ne peut que saluer les performances d'acteurs mais également la direction d'acteurs tant il s'agit de rôles extrêmement difficiles. Léa Drucker est une femme meurtrie mais ne se victimise jamais, Denis Ménochet est impeccable en père bourru et tout aussi déchiré mais qiu ne semble jamais pouvoir contrôler ses émotions, la jeune Mathilde Auneveux assure en ado bien qu'elle soit un peu sous-exploitée (dont une pseudo-sous intrigue superflue) tandis que le jeune Thomas Gioria s'offre mine de rien un rôle principal en fils qu'on écoute pas franchement, qui assume sa place alors que son père le terrifie.

Xavier Legrand avoue trois influences majeures pour son film, et pas des moindres. Il s'agit de "La Nuit du Chasseur" (1955) de Charles Laughton pour le danger environnant des adultes vis à vis des enfants, "Kramer contre Kramer" (1980) de Robert Benton pour le contexte juridico-familial entourant la séparation et la garde des enfants, et enfin "Shining" (1980) de Stanley Kubrick pour le côté thriller et descente aux enfers. Le cinéaste réussit merveilleusement à créer cette atmosphère austère, psychologiquement instable qui va subrepticement virer au thriller digne d'un fait divers malheureusement trop réaliste. On notera une importance non négligeable du son et des bruits environnant ajoutant ainsi à l'angoisse du quotidien. Xavier Legrand signe un superbe film, particulièrement dur, terrifiant et touchant à la fois, dans un style qui n'est pas sans rappeler Stephane Brizé. A voir et à conseiller.

vhc

Note :