JUSQU’À LA GARDE (Critique)

JUSQU’À LA GARDE (Critique)JUSQU’À LA GARDE (Critique)

SYNOPSIS: Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d'un père qu'elle accuse de violences, Miriam en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père qu'elle considère bafoué. Pris en otage entre ses parents, Julien va tout faire pour empêcher que le pire n'arrive.

On en a connu des premiers films étincelants, qui vous mettent à genoux devant leur réussite ébouriffante, leur fraicheur et leur maturité mêlées, des œuvres qui vous font hocher la tête de contentement et de surprise, vous laissant bouche bée d'admiration. On en a connu mais on n'était pas prêts à recevoir ce premier long métrage de Xavier Legrand qui va vous transpercer Jusqu'à la Garde. C'est l'une des premières interrogations qui nous assaillent d'ailleurs cette dualité sur le titre et cette interprétation multiple que l'on peut en faire. Est-ce qu'on parle d'enfants dont les parents se disputent la garde où est-ce pour insister sur la souffrance endurée et qui va dépasser l'entendement? Si la réponse à cette interrogation importe peu et si le déroulé du film va nous expliquer ce qu'il en est, le premier long métrage de Xavier Legrand épouse des tonalités différentes au fur et à mesure de son avancée, traverse des genres apparemment antinomiques, du film social au drama familial en passant par le thriller psychologique ou le film de terreur et surtout le fait sans jamais donner la sensation de lâcher son sujet d'un pouce. Car Jusqu'à la Garde repose sur un scénario de pur génie, mené de main de maître jusqu'à son étourdissant final, qui vous laisse hagard, littéralement pétrifié sur votre fauteuil. Une issue qui vous aura auparavant, vu traverser la vie disloquée d'une famille lambda dont on devine la souffrance et le passif sans que l'on en connaisse ni les tenants et les aboutissants, ni l'exactitude des faits, ni qui ment ou souffre le plus.

JUSQU’À LA GARDE (Critique)

Ce suspense savamment distillé, cette emprise sur le spectateur, Xavier Legrand va la maitriser de bout en bout avec une maestria et un sens de la narration qui laisse pantois, livrant un film protéiforme et saisissant. Encadré par une scène d'ouverture bluffante, toute entière ancrée dans le film sociétal et naturaliste et une fin glaçante aux confins de l'horreur comme on en n'a pas vue depuis longtemps, Jusqu'à la Garde est une brillante leçon de mise en scène qui ne tombe jamais dans les travers qui lui tendent les bras. En s'entourant de comédiens qui s'approprient leurs personnages avec virtuosité, le chemin était plus facile à emprunter mais il fallait du flair et Xavier Legrand en a eu. Si le court métrage à l'origine du long ( Avant que de tout perdre, 2013, César du Meilleur Court Métrage en 2014 et nommé aux Oscars dans la catégorie Meilleur Court Métrage de Fiction) réunissait déjà Léa Drucker et Denis Ménochet (et Mathilde Auneveux), c'était bien évidemment d'une cohérence absolue que de faire à nouveau appel à eux. Ils sont absolument fantastiques, dans des registres totalement différents, faisant suinter de leurs compositions le doute sur leur personnalité profonde, trouvant des nuances infimes à des personnages qui deviennent de parfaits miroirs identificatoires pour le spectateur.

JUSQU’À LA GARDE (Critique)

Entre les fêlures qu'ils divulguent l'un après l'autre puis l'instant d'après la force de conviction dont ils font preuve, jusqu'à nous faire douter de nos propres certitudes, apportant une épaisseur phénoménale à leur interprétation, ils forment l'alpha et l'oméga de ce film qui vous retourne les tripes et vous prend à la gorge. Léa Drucker est fantastique de pudeur et de détermination mêlées tandis que Denis Ménochet est exceptionnel d'ambiguïté entre tendresse et animalité. Entre les deux, le jeune Thomas Gioria explose dans un rôle extrêmement difficile où il fait preuve d'une gestion des émotions proprement remarquable pour un jeune garçon. Il a tout pour faire carrière si il ne se perd pas en chemin.

JUSQU’À LA GARDE (Critique)

Des références totalement assumées ( Kramer contre Kramer, Shining, La Nuit du Chasseur) mais qu'il ne singe jamais et dont il parvient à s'affranchir pour trouver sa force et sa singularité, Xavier Legrand s'impose comme un scénariste et réalisateur hors pair capable de naviguer en eaux troubles sans jamais dévoiler son jeu, de sorte que le film s'offre à vous puis vous échappe, créant la surprise en permanence et devenant au fur et à mesure une expérience sensitive de grande ampleur. En faisant basculer son film de l'ordinaire d'une famille française jusqu'à la densité et la profondeur d'une tragédie indélébile, Xavier Legrand signe une entrée exceptionnelle dans la cour des grands avec Jusqu'à la Garde une œuvre qui, si elle a beau être plus noire que noire finit par en être éblouissante.

JUSQU’À LA GARDE (Critique)

Titre Original: JUSQU'A LA GARDE

Réalisé par: Xavier Legrand

Casting : Léa Drucker, Denis Ménochet, Thomas Gioria...

Genre: Thriller

Sortie le: 7 février 2018

Distribué par: Haut et Court

JUSQU’À LA GARDE (Critique) CHEF-D'ŒUVRE