[Critique] – « La Forme de L’eau » de Guillermo Del Toro.

[Critique] – « La Forme de L’eau » de Guillermo Del Toro.

Couronné du Lion d'Or à la dernière Mostra de Venise, il est clair qu'un sentiment d'amour se dégage dans le nouveau film de Guillermo Del Toro. Son ode de la différence fait qu'il est difficile d'être insensible à ce magnifique conte qu'est La Forme de l'eau.

Il ne faut pas paniquer lorsque vous entendez parler de La Forme de l'eau. Non, ce n'est pas le film résumé par des memes Internets comme celui où une femme couche avec un poisson. Il en est tout autre, s'inscrivant tout simplement dans le genre du romantique le plus pur qu'il soit. Des balades musicales à la française signées Alexandre Desplat jusqu'à la bienveillance enveloppant quasiment chaque personnage, l'amour apparaît comme une pluie des sentiments réchauffant le coeur des personnages et du public.

Un amour pour le cinéma de genre, tout d'abord. Car dans cette idylle s'illustre l'amour inconditionnel du célèbre réalisateur pour le cinéma mais aussi l'art en général. Ici perçu comme un autre monde, acceptant sans hésitation les différences de ceux s'y aventurant pour exprimer un torrent de sentiments. Entre péplum et comédie musicale, le cinéma classique hollywoodien ouvre ses bras vers ses personnages afin de les chérir dans cette Amérique qui, contrairement à l'illusion qu'il offre dans ses grands spectacles cinématographiques, se révèle d'une violence extrême envers ceux considérés comme marginaux.

Les héros de La Forme de l'eau ne sont pas les hommes en costards, ni les forces militaires voulant préserver l'impérialisme américain coûte que coûte (le film se situe en pleine Guerre Froide). Les héros, ce sont ceux que la société américaine souhaite cacher : Une femme de ménage muette et sa collègue afro-américaine, un publicitaire licencié pour son homosexualité et un scientifique soviétique. Ils seront tous rassemblés autour de cette créature jouée par Doug Jones, véritable objet de fascination et d'amour cristallisant toute la complexité des êtres humains où la frontière entre l'humanité et la monstruosité est radicalement détruite. Ces marginaux feront équipe pour offrir une étincelle de bonté à un monde industriel attisant la peur.

Un amour du cinéma et des marginaux, mais aussi l'amour le plus fusionnel possible dans la relation entre Eliza et cette créature. Jamais dépeint comme quelque chose de glauque, la force du cinéma parvient à nous faire réellement croire à cet amour empathique entre ces personnages hors-du-commun. Nul besoin de rappeler le talent de Doug Jones à se métamorphose sans cesses, il faut néanmoins souligner la magnifique performance de Sally Hawkins. Bouleversante, elle prouve qu'une performance atypique n'a de force que si son écriture est tout aussi soignée : Pari réussi pour le personnage d'Eliza, tour-à-tour introverti, libre et espiègle. Autour d'elle gravite donc un casting aux petits oignons : Michael Shannon joue un méchant vraiment méchant comme lui seul peut le faire, Michael Stuhlbarg montre une fois plus tout l'étendu de son double-jeu (en attendant Call Me By Your Name), Richard Jenkins et Octavia Spencer sont attachants en tant qu'amis de l'héroïne.

Guillermo Del Toro signe à ce jour son meilleur long-métrage, où la virtuosité de sa mise-en-scène s'ajuste sublimement à cette histoire poignante dont on en ressort bouche bée devant tant d'émotions. Nommé à de nombreuses reprises aux Oscars, il est fort à espérer que le film soit congratulé.

Victor Van De Kadsye.