A GHOST STORY : Hantises ★★★★★+♥

Une ode à la vie et à l’amour, du point de vue d’un mort. Magistral.

Difficile pour un film d’exister au-delà de son plébiscite critique. Projeté dans plusieurs festivals, dont celui de Deauville, et couvert de louanges depuis, A Ghost Story avait fort à faire pour se montrer à la hauteur de sa réputation. À l’arrivée, toutes nos attentes sont comblées et bien plus encore. Une réussite d’autant plus exceptionnelle que le réalisateur, David Lowery, malgré un premier film intéressant, Les Amants du Texas, déjà avec le duo Casey Affleck et Rooney Mara, n’avait rien signé de particulièrement mémorable jusqu’ici. Qui se souvient de son Peter et Elliot le dragon, certes joliment exécuté mais totalement générique ? De l’aveu du cinéaste, il l’aurait réalisé de façon à pouvoir financer A Ghost Story avec les recettes générées.

On ne saurait trop le remercier de cette démarche, à l’heure où la plupart de ses confrères ayant commencé dans le circuit indépendant continuent de répondre aux sirènes de l’industrie hollywoodienne. Ici, les moyens sont modestes mais le talent évident. Un couple, interprété par Affleck et Mara donc, coule des jours paisibles, loin du tumulte des grandes villes. Un matin, le mari décède dans un accident de voiture. Alors que sa femme tente de surmonter cette épreuve, il revient la hanter sous son linceul. 

A GHOST STORY : Hantises ★★★★★+♥

Ce point de bascule survient très tôt dans le film et propulse le récit dans un registre du fantastique de plus en plus rare, infiniment existentiel. L’idée magnifique est d’avoir conservé l’imagerie enfantine du fantôme, couvert d’un drap blanc, qui erre parmi les vivants. De tous les plans ou presque, ce fantôme fascine comme aucun autre avant lui, tant il supporte à lui seul toutes les interprétations possibles et interroge constamment le spectateur. Faut-il s’émouvoir de sa condition ? Ou bien le craindre ? De quoi est-il réellement capable ?

C’est là où la mise en scène intervient, en nous signalant à la faveur d’un mouvement de caméra mais aussi par la durée et la valeur des plans, toute la complexité de ce personnage. L’autre idée géniale est de lui faire perdre peu à peu toutes notions de temps et d’espace, grâce à de nombreuses ellipses notamment, qui le parachutent subitement aux côtés de parfaits étrangers ou bien dans le passé. L’habileté de l’intrigue étant in fine de raccorder la grande histoire, celle de l’humanité et de l’univers, avec la petite histoire, celle du couple.

Bien sûr, c’est l’amour de ce couple qui fait battre le coeur du film. Affleck et Mara sont merveilleux de retenue et leur complicité irradie à chaque instant, même si leurs interactions se limitent le plus souvent à quelques effleurements. Ce qui intéresse surtout Lowery, c’est de les cadrer à la fois côte à côte et à distance pour mieux raconter leur incapacité à se retrouver. Ne leur reste plus qu’à faire leur deuil. Pour l’épouse, à travers une chanson composée par son défunt mari, et pour l’époux, en lisant le message laissé par sa femme sur un bout de papier.

C’est là que le film révèle toute sa puissance, dans sa façon de connecter le sort des personnages, par-delà la vie et la mort, le temps et l’espace. Puissance largement soutenue par les cordes mélancoliques de Daniel Hart. Vous l’aurez compris, A Ghost Story est bel et bien le chef-d’oeuvre annoncé, de ceux dont on reparlera encore et encore, année après année.

Réalisé par David Lowery, avec Casey Affleck, Rooney Mara

Sortie le 20 Décembre 2017.