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Le clientChronique de l'Iran actuel: 5ème opus
5ème film et nouvelle opus d’Asghar Farhadi sur la décomposition d’une structure familiale dans une société iranienne encore bien corsetée ; cette fois primée à Cannes pour son scénario et son interprète masculin. Un vieil immeuble se lézarde suite à la construction d’un building voisin symbole d’un Téhéran se modernisant ; le couple qui y vit doit quitter son home sweet home destination un appartement précédemment habitée par une femme peu convenable. Les lézardes dans les murs de l’immeuble sont les prémisses d’une relation de couple qui va se déliter suite à une perte de repère dû au déménagement. Puis la femme aux mœurs légères du nouveau logement va créer un schisme énorme dans le couple, de manière bien indirecte, mettant au cœur du foyer les notions d’honneur et de vengeance ; le tout porté par le poids des traditions et de la morale religieuse. On retrouve tous les ingrédients du gros succès de Farhadi de 2011 reçu comme une claque par le monde du cinéma (« Une séparation ») ; celui-ci semble une redite moins puissante que le précédent malgré le talent de son réalisateur. Car Farhadi est habile dans la construction de son film pour faire monter la tension et laisser des pans entiers de son récit sans réponse. Metteur en scène d’une incroyable finesse, il manie à merveille le sens de l’ellipse, la fluidité des mouvements ; le tout dans une enfilade de huis clos domestiques serrés dont il a le secret (cages d’escaliers, appartements,…), métaphore de l’enfermement étouffant dont sont victimes les protagonistes. A travers cet enfermement, et c’est pour cette raison que son film est moins fort que celui de 2011, on hésite tout le long entre dénonciation du carcan moral de l’Iran ou alors mépris pour la nature humaine, un thème tout autant humaniste mais plus universel. Et c’est là que son film peine à retrouver le ton si particulier de son chef d’œuvre de 2011. De fait, on a du mal à comprendre cette phrase lâchée en interview, le propos dans ce film étant tellement universel : « Mon propos est de m’adresser à tous, confie-t-il. Y compris aux membres de la commission de censure, qui sont aussi des êtres humains. Si je parviens à ce qu’au bout d’un quart d’heure ils oublient qu’ils sont là pour repérer ce qui leur pose problème et se laissent porter par le film, tant mieux. C’est ça qui m’intéresse : les inclure au public ». Enfin en mettant en perspective la pièce d’Arthur Miller (« Mort d’un commis voyageur ») et son scénario ; même chose, on aurait tant aimé que le parallèle soit plus fructueux et pas uniquement un décor destinée à une mise en abyme ; car si peu de chose se joue sur la scène de théâtre. A la différence de « Le dernier métro » de Truffaut.
Farhadi même en faiseur de film peu novateur et peu inspiré comme ici mérite le détour. On l’attend moins plan plan sur le prochain.Sorti en 2016Ma note: 13/20