Rio Bravo (1959) de Howard Hawks

Après l'échec relatif du peplum "La Terre des Pharaons" (1955), le grand cinéaste Howard Hawks fit une pause pour réfléchir à son cinéma à une période où la télévision explosait les codes et où la jeunesse s'ouvrait au rock'n roll. En revoyant plusieurs films le cinéaste s'est attardé sur un film majeur, à savoir "Le Train sifflera trois fois" (1952) de Fred Zinnemann, dont Hawks n'arrivait pas à comprendre le succès : "Je ne pensais pas qu'un bon shérif se comporterait comme une poule décapitée tournant autour d'un village en criant à l'aide pour qu'au final ce soit sa femme quaker qui le sauve."...

Rio Bravo (1959) de Howard Hawks

Autant dire que Hawks a bel et bien raison, pourquoi s'embêter à chercher absolument de l'aide auprès de ses citoyens, à contrario de sa fonction et quand on en a pas foncièrement besoin ?! Hawks décide donc de réaliser un western en réponse de ce western. Hawks-Wayne en réaction à Zinnemann-Cooper... Pour ce projet Hawks choisit d'adapter une nouvelle de Barbara H. McCampbell qui n'est autre que sa fille. Pour le scénario Hawks fait appel à des fidèles, et pas des moindres, avec Leigh Brackett et Jules Furthman (tous deux ayant déjà travaillé ensemble pour Hawks sur "Le Grand Sommeil" en 1946). Hawks fait appel au monstre sacré John Wayne qu'il retrouve ainsi 10 ans après un autre chef d'oeuvre, "La Rivière Rouge" (1948) et, pour marqué le coup, le cinéaste offre à Wayne un ceinturon avec une boucle "Red River". Par là même occasion les deux hommes retrouvent également le truculent Walter Brennan et Harry Carey Jr (pour ce dernier, ses problèmes d'alcool parasiteront son travail à tel point que Hawks le coupera au montage). Ce dernier retrouve aussi Ward Bond (pour son dernier film), avec John Wayne ces trois acteurs sont parmi les plus fidèles du grand John Ford avec une dizaines de films en commun.

Rio Bravo (1959) de Howard Hawks

Epoque musicale oblige, Hawks embauche deux chanteurs, le jeune Ricky Nelson, pendant de Elvis Presley qui venait de connaitre un gros succès et surtout Dean Martin, qui après quelques années en duo comique avec Jerry Lewis prenait un virage plus dramatique qu'il a débuté avec l'excellent "Le Bal des Maudits" (1958) de Edward Dmytryk. Dean Martin retrouvera Wayne pour un autre western, ce sera "Les Quatre Fils de Katie Elder" (19645) de Henry Hathaway. Et enfin, pour l'atout charme, le choix s'est porté sur la sublime Angie Dickinson, alors débutante, elle obtiendra pour ce rôle le Golden Globe et retrouvera notamment Dean Martin avec le Rat Pack sur "L'Inconnu de Las Vegas" (1960) de Lewis Milestone. On reconnaitra d'autres acteurs, des "gueules" ayant écumés les westerns et les Films Noirs comme John Russell et Claude Atkins. Donc, "Rio Bravo" s'avère être l'anti-thèse parfaite au film "Le Train Sifflera trois Fois" avec un shérif qui refuse l'aide de ses citoyens, d'abord par professionnalisme car c'est de sa responsabilité de protéger les habitants, le shérif John T. Chance (Wayne) affirme que les "pères de famille" n'ont pas à prendre les armes ce qui le pousse à choisir des hommes plus marginaux pour adjoints comme un vieil éclopé et un alcoolique. Si le héros principal, John T. CHance, semble le leader incontesté, un roc de droiture et de loyauté, il a pourtant également son petit handicap. En effet, le sien réside dans on maladresse envers les femmes symbolisé évidemment par le personnage de Feathers (Dickinson) qui est une femme de caractère qui amène le Duke à lui faire croire que c'est lui qui domine.

Rio Bravo (1959) de Howard Hawks

La magie du film réside essentiellement dans ces échanges constants au sein du petit groupe autour du shérif où chacun pousse les uns et les autres à s'améliorer et à évoluer. Dude tente de stopper l'alcool, Colorado va gagner en maturité, Chance va oser prendre les choses en main grâce à Feathers... Pour la mise en scène on est dans la perfection du style Hawksien, à savoir un "cinéma à hauteur d'homme" dixit François Truffaut où comment le cinéaste insistait pour aller vers le plus de simplicité possible : "Laissez le public voir les choses comme s'il était là. La plupart du temps, ma caméra reste au niveau du regard."... Outre le génie de Hawks sur ce point, le réalisateur offre quelques séquences mythiques, de celle du crachoir (idée prise sur le film "Nuits de Chicago" en 1927 de Josef Von Sternberg, inspiration avouée par Hawks) à celle du bas jeté par la fenêtre en passant par les chansons. Niveau BO il est amusant de constater que le compositeur Dimitri Tiomkin fut également celui de "Le Train Sifflera trois Fois" et de "La Rivière Rouge". Tiomkin utilise la musique traditionnelle mexicaine "El Deguello", qui signifie "égorgement", connu pour avoir été joué au siège de Alamo, et qui sera donc de nouveau utilisé dans le film "Alamo" (1960) de et avec John Wayne. Howard Hawks signe là un chef d'oeuvre du genre, l'un des 4-5 meilleurs westerns de tous les temps. Malgré ses 2h20 le cinéaste ne pourra pas y mettre toutes ses idées, ce qui le poussera quelques années plus tard à réaliser une variations sur le même thème, ce sera "El Dorado" (1967) suivi de ce qui sera son dernier film "Rio Lobo" (1970).

Note :

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