La Lune de Jupiter : Poésie et complaisance.

La Lune de Jupiter : Poésie et complaisance.

Après avoir été victime d'une bavure policière en tentant de s'introduire dans un nouveau territoire, un jeune migrant syrien se retrouve confronté à ses propres pouvoirs miraculeux, accompagné d'un médecin opportuniste. Synopsis aussi alléchant que casse-gueule du réalisateur de l'extraordinaire White God (sorti en 2014) pour un film où le virtuose côtoie sournoisement la complaisance.

En plein milieu de l'intrigue, une courte séquence illustre le sort tragique de La Lune de Jupiter : Devant se planquer afin d'échapper au flic ripou le traquant sans cesse, notre jeune héros descend d'un immeuble en flottant. L'ombre d'Aryan, donc, apparaissant comme unique présence à gauche de l'écran, l'autre côté montre des habitants apparaissent clairement dans l'image à l'occupation de plusieurs activités tels qu'une séance d'aérobic ou bien regarder la télévision. En un plan, le long-métrage ne pense même plus à cacher son problème. Comme l'a fait Michael Haneke dans son Happy End en Octobre dernier, un problème aussi capital et urgent que celui des migrants est traité sur toile de fond, juste en tant que faire-valoir de la démonstration technique de Mundruczo.

C'est simple : La Lune de Jupiter se veut le nouveau Fils de l'Homme. Hélas, c'est en observant ses ressemblances que l'on remarque le mieux ses différences. Comme chez Cuaron (et Lubezki), la caméra explore un monde où les réfugiés sont laissés à l'abandon. Cependant, là où Les Fils de l'Homme présentait cet univers sans concession avec un constant sirène d'alarme, La Lune de Jupiter les laisse désagréablement en arrière-plan afin de mieux se concentrer sur le personnage de ce médecin déchu, pâle copie de Théo (Clive Owen), auquel le film va préférer raconter sa rédemption humanitaire. On a l'impression que le réalisateur utilise ce phénomène grave de l'actualité géopolitique pour le profit d'un film sensationnaliste, écumant les pires clichés (passage de l'attentat, facilement évitable) au service d'une étalage technique parfois beau, il faut l'admettre, mais trop démonstrative.

Dommage. Car d'une possible fable politique rêvée puissante, La Lune de Jupiter n'est ni plus ni moins qu'un énième relecture du mythe de Jésus transposé de manière douteuse chez un migrant. Difficile d'être convaincu, regardez plutôt un documentaire comme Fuocoamare - Par delà Lampedusa.

Victor Van De Kadsye