Écrire un scénario : les fondamentaux (18)

Par William Potillion @scenarmag

L’acte Deux est l’espace de l’intrigue. Et l’intrigue, c’est une succession d’événements conflictuels.
Et le conflit ? C’est l’essence d’une œuvre dramatique.

Le conflit se concrétise en toutes sortes d’obstacles. Mais pourquoi doit-il y avoir des obstacles sur le parcours du protagoniste ?
Pourquoi celui-ci ne choisit pas la solution la plus facile pour résoudre son problème ?

En fait, dès le début de l’acte Deux, il a tendance à emprunter la voie la plus facile pour surmonter les obstacles qui se présentent à lui. C’est une réaction bien humaine, d’ailleurs.
Le souci, c’est que cela ne fonctionne pas.
Il est cependant nécessaire que ce soit la première voie qu’il emprunte pour démontrer au lecteur la vanité des choses trop faciles à atteindre. Si vous ne faites pas cette démonstration, les difficultés que rencontrera le héros de votre scénario ne seront pas crédibles.

Encore une fois, Pourquoi ? Je dirais comme exemple qu’il est plus facile de céder à la chair que d’y résister. Si l’on démontre que de céder aux apparences que le monde nous présente ne fait que rendre la position du personnage encore plus périlleuse, alors la vraie difficulté pour lui sera d’accepter cette spiritualité qu’il lui faut épouser.
Ou bien qu’il désire comme moyen de s’affirmer dans le monde.

Mais au début de l’acte Deux, il choisira la tentation parce qu’elle est à portée de main.

Trouver des raisons logiques et concises pour prouver que la voie la plus directe n’est pas la bonne

C’est une question que l’auteur doit se poser à chaque fois qu’il prépare des actions. Pourquoi votre personnage ne peut sortir de son appartement par la porte alors qu’il a compris que son immeuble était en feu ?
Trop facile. Alors, derrière la porte, il faut qu’il s’y trouve quelques zombies qui lui barreront cette sortie possible. Et la scène ou bien la séquence prend soudain une ampleur dramatique bienvenue.

Tout comportement ou toute attitude de votre personnage doit pouvoir s’expliquer de manière logique et simple. C’est le garant le plus évident pour ajouter de la crédibilité aux actions de vos personnages. Un autre exemple : Dans La tour infernale, une des sorties de secours est bloquée par du plâtre qui s’est déversé là par la faute d’inattention d’un ouvrier. Si ce sac de plâtre n’avait pas bloqué la sortie, il n’y aurait pas eu d’histoire.
Et pourtant, ce sac se justifie tout naturellement et le lecteur n’y trouvera rien à redire.

Un obstacle est donc le moyen par lequel un personnage ne peut faire la chose la plus évidente et la plus facile. Pourquoi n’appelle-t-il pas tout simplement la police alors qu’il a été réveillé par des bruits suspects ?
Il se saisit de son téléphone portable mais étrangement, il n’a aucune connexion. Peut-être est-ce la tempête qui fait rage à l’extérieur qui empêche toute communication.

Et s’il ne reconnaissait tout simplement pas où il se trouve. Complètement perdu, la dernière chose qu’il pense est d’appeler du secours. Il cherche d’abord à reconnaître ces lieux qui lui semblent si étranges. C’est une réaction que nous pouvons tous comprendre (et qui ajoute au suspense de la scène).

Ou encore peut-être que les policiers sont des ripoux et qu’il sait qu’il est inutile de les appeler (et si c’était eux qui faisaient ces bruits suspects dans la maison ?).
En apportant une réponse précise et intelligible, le lecteur est satisfait et vous pouvez continuer à déployer votre intrigue.

Un obstacle en fin de compte, ce n’est pas de poser un mur apparemment infranchissable devant le personnage. C’est d’expliquer pourquoi ce mur se trouve là.

Un obstacle émotionnel ?

Prenons le cas d’une héroïne vraiment timide. Sa timidité est un obstacle qui l’empêche d’avancer dans sa vie. Comment représenter cette résistance ?

Un personnage se définit dans le regard des autres. Pour expliquer au lecteur du scénario qu’effectivement, la timidité de l’héroïne est une véritable entrave pour elle, il est possible d’inventer une scène qui servira à démontrer cela.
Par exemple, lors d’une soirée, les autres l’ignoreront. S’ils l’ignorent, cela est dû à son propre comportement envers eux. Mais à ce moment de l’histoire (normalement, je placerais une telle scène dans le cours de l’exposition à l’acte Un), elle ne peut comprendre cette attitude des autres envers elle. Et elle se renferme encore plus sur elle. Cette timidité sera sa faiblesse et c’est précisément ce qui alimentera son arc dramatique dans le cours de l’histoire.

Elle devra surmonter ce défaut dans sa personnalité. Ce sera un obstacle émotionnel comme un besoin ou un manque qu’elle devra combler si elle veut que son désir (peut-être d’approcher ce garçon qui lui plaît tant) puisse être réalisé.

Les obstacles ajoutent de la clarté au scénario en expliquant par la démonstration ce que sont les personnages.

2 types d’obstacles

Il faut distinguer les obstacles qui devront être surmontés par le protagoniste et ceux qui sont carrément infranchissables.
Un scénario a besoin des deux.

Pourquoi inventer un obstacle infranchissable ? Parce qu’il est autrement la sortie royale vers la solution de son problème. Et si le héros l’a prend, l’histoire est finie. Au début de l’acte Deux, le héros est incliné à s’orienter vers les solutions de facilité. Mais de telles solutions ne sont pas des éléments dramatiques très pertinents.
Néanmoins, ils doivent exister pour rendre cohérente l’approche du personnage dans la résolution de son problème.

La théorie narrative Dramatica explique qu’une fiction, c’est d’abord un processus de résolution de problèmes. Votre héroïne a réussi à étourdir son assaillant. Elle se précipite alors vers la porte. C’est la solution la plus simple mais l’auteur ne peut autoriser cette sortie du problème.
La porte est fermée et les clefs sont dans la poche de l’agresseur. Votre héroïne va donc devoir surmonter son aversion. Cette répugnance à fouiller les poches de cet individu ignoble est un nouveau problème. Elle trouve les clefs. C’est encore une solution de facilité.

L’auteur lui complique davantage les choses. L’homme émerge de l’inconscience et lui saisit le poignet… et ainsi de suite jusqu’à ce que l’auteur soit satisfait de sa scène (ou du moins qu’il en est tiré tout le jus dramatique qu’il pouvait).

La résistance des autres

C’est probablement l’obstacle le plus commun (et certainement le plus humain). Le personnage a besoin d’aide et autrui est habituellement réticent à la lui donner.
La théorie narrative Dramatica a établi que l’une des caractéristiques qui définit le personnage principal est Consider.

Consider explique que ce personnage principal passe son temps à convaincre autrui du bien-fondé de sa détermination à poursuivre un objectif. Pourquoi est-il condamné à prêcher pour sa propre paroisse ?
Parce que la relation aux autres est ainsi faite : composée de deux puissances qui se manifestent précisément dans le rapport qu’elles ont à l’autre.

Nous pourrions qualifier cette expérience relationnelle de barrage aux désirs de l’autre,  d’une certaine désobéissance comme de ne pas vouloir entrer dans le jeu de l’autre. Ce sont aussi toutes les difficultés relationnelles qu’un auteur pourrait avoir envie de décrire soit parce qu’il en a lui-même fait l’expérience, soit parce qu’il l’a constaté et observé et qu’il souhaite en faire témoignage.

L’entêtement, l’hésitation sont aussi des freins à la volonté d’un personnage. Ils peuvent venir de l’extérieur comme, par exemple, lorsque le héros propose une stratégie pour abattre le méchant de l’histoire et que les autres font preuve d’une certaine perplexité.
Ils peuvent être aussi intérieurs lorsque le héros a à lutter contre ses propres doutes.

On peut employer aussi les termes d’opposition, de refus, d’obstruction voire d’hostilité pour désigner cette résistance d’autrui à l’action du protagoniste.
Elle est souvent au cœur du conflit dans un scénario et la nature de cette résistance est foncièrement dramatique.

Prochain article :
ÉCRIRE UN SCÉNARIO : LES FONDAMENTAUX (19)