Écrire un scénario : les fondamentaux (6)

Nous avons vu précédemment qu’il était préférable d’inventer la fin de son scénario (même si celle-ci est provisoire) afin de savoir où vous vous rendez avec votre histoire.
Si le cœur vous en dit, vous pourriez déjà écrire quelques scènes de votre intrigue.

Cependant, il apparaît plus logique de continuer avec l’acte Un maintenant que vous connaissez la fin.
Une chose qu’il faut garder à l’esprit est que la situation initiale de votre personnage principal doit être aussi éloignée que possible de la situation dans laquelle il se retrouvera au moment du dénouement.

En somme, si votre protagoniste est couronné de succès à la fin du scénario, alors il doit débuter celui-ci dans une situation d’échec.

Une série de transformation

La situation de départ nous montre le héros dans son quotidien. C’est son monde ordinaire. L’essence d’une œuvre dramatique néanmoins veut que cette situation ne reste pas dans un statut quo.
Cette situation est appelée à changer.

Et plus il se passera de choses, plus la situation du personnage principal changera et plus riche sera le scénario.
Concrètement, le héros passera d’un équilibre (apparemment confortable pour lui mais rien n’est plus faux) à un autre équilibre bien plus conforme à ce qu’il attend de sa vie.

Ou inversement. Prenez King Kong, par exemple. Au début, il est tout-puissant mais le dénouement nous le montre s’écrasant sur le macadam d’une rue de New York. Le mouvement nous dépeint une décadence (dont nous ne chercherons pas le sens métaphorique ici).
Si cet élan de l’histoire n’existait pas, King Kong serait encore en train de vivre sur son île natale dans la répétition bien assoupissante de son ordinaire.

Cette décadence cependant n’est pas brutale. Elle sera progressive tout au long de l’intrigue (puisque vous connaissez déjà votre dénouement).

Un équilibre différent

Le personnage principal quitte un certain équilibre pour aboutir à travers les péripéties de l’intrigue à un nouvel équilibre. Mais comprenez bien que l’équilibre retrouvé n’est pas celui du début.

A la fin de son aventure, le héros n’est plus le même. Par ses tribulations et pérégrinations, il a compris des choses sur lui-même. Il a en quelque sorte ouvert les yeux sur une vérité que somme toute il ne voulait pas voir.
Maintenant (à la fin du scénario) qu’il est différent, il voit les choses autrement. Ce point de vue lui permet alors de connaître un nouvel équilibre de vie bien différent de ce qu’il connaissait autrefois.

Peut-être aussi que ce monde ordinaire qu’il a quitté n’est plus le même. Après tout, pour la communauté dont est issu votre personnage principal, le temps ne s’est pas arrêté pendant toute la durée du scénario. Et Frodon du Seigneur des Anneaux s’apercevra qu’il n’est pas aussi heureux parmi les siens depuis son retour.
Et il prendra un autre chemin.

Beaucoup de choses peuvent changer

Considérons Star Wars – l’épisode 4.

La situation initiale de plusieurs lignes dramatiques ou éléments dramatiques est la suivante :

  • L’Empire est puissant
  • Obi Wan est vivant
  • Luke est un adolescent qui s’ennuie et ignoré de tous
  • Alderaan appartient à la famille royale
  • Et la Princesse Leia est en grand danger

Maintenant, examinons ces mêmes éléments dramatiques à la fin de l’histoire :

  • L’Empire est dévasté (c’est ce que nous explique l’allégorie de la destruction de l’Etoile de la Mort)
  • Obi Wan est mort
  • Luke est devenu un héros
  • Alderaan est détruite
  • La princesse Leia est sauve

Plus les choses changent au cours de l’histoire et plus celle-ci sera dynamique. Et c’est probablement pour cela que vous devriez vous forcer à décrire le monde ordinaire de votre héros juste après avoir déterminé la fin de votre histoire.

Cette fin peut être provisoire et changer pour quelque chose de plus pertinent avec votre idée. Mais pour le moment, il s’agit de décrire une situation initiale qui sera non seulement foncièrement différente de la fin de votre histoire mais surtout qui s’avèrera la moins prévisible possible.

Un dénouement qui ne soit pas télégraphié

Si vous vous contentez de déduire du dénouement une situation initiale qui lui soit opposée, cela ne sera pas suffisant. Si le rêve de votre héros est d’aller vivre à la campagne, on ne peut se satisfaire de montrer toutes les vicissitudes de son quotidien d’une vie citadine.
Parce que dès les premières scènes, le lecteur comprendra où vous voulez en venir.

Et pourtant, c’est là où vous voulez en venir. Donc, ce qu’il faut proposer au lecteur, c’est une impossibilité pour votre héros d’aller vivre à la campagne. Comme par exemple, le refus de sa famille qu’il aime passionnément.
Les enfants veulent continuer à profiter des avantages que leur offre la ville, ne serait-ce que pour leur éducation. Sa femme adore faire du lèche-vitrine et ne se voit pas mener de front sa vie dans une exploitation agricole.

Le héros est vraiment coincé. L’alternative que lui propose l’histoire est un dilemme terrible. D’un côté, il a le sentiment de s’assécher dans un environnement urbain sans jamais pouvoir s’accomplir pleinement.
Et de l’autre, il a la certitude que sa famille ne le suivra pas dans ce qu’elle considère comme une chimère.

Le cas des 101 dalmatiens

Dès la première scène (après une éventuelle séquence d’ouverture), il faut démontrer au lecteur que l’objectif du héros est irréalisable.
Mais, pourriez-vous m’objecter, quel est l’objectif de Pongo des 101 dalmatiens ?
Pongo a décidé que son maître (qu’il considère comme un homme domestique) devait avoir une compagne. Cet objectif par ailleurs répond au besoin de Pongo lui-même d’avoir une compagne dans sa vie.

Donc, on nous montre Pongo observant de sa fenêtre des personnages qui ressemblent étonnamment  à leurs chiens. Mais la détermination de Pongo est sans faille (une des caractéristiques qui fait d’un héros un héros) et son choix se porte sur Perdita et Anita. Tiens, le hasard a voulu que Perdita soit un dalmatien !

Là où l’objectif de Pongo semble irréalisable est assez subtil. Parce qu’à aucun moment, le doute lui est venu que le choix de Anita pour Roger serait accepté de ce dernier. Cet acte Un est vraiment amusant mais cela ne change pas le fait que la vision des choses de Pongo est assez étroite.
Et ce sont ses propres certitudes qui remettent en cause non pas sa détermination mais son objectif.

Débuter l’histoire

Dans l’acte Un, lorsque nous découvrons le personnage principal, nous ne devons pas envisager une seule seconde ce que sera le dénouement.
Le mieux est que l’esprit du lecteur s’interroge sur ce qui va se passer au fur et à mesure que l’histoire se déroule. Il ne faut pas lui donner d’indices qui le projetteraient trop en avant dans l’histoire. Ses interrogations doivent porter sur l’immédiat.

Il peut être intéressant de planifier son scénario avant d’entrer de plain-pied dans l’écriture elle-même. Faites de petites notes et chaque note sera le résumé d’une scène.
Nous avons commencé par écrire une note sur le dénouement. Par exemple,
Le héros s’installe à la campagne.

Maintenant, écrivons une note pour décrire notre situation initiale (elle pourrait être une scène ou bien une séquence) :
La famille du héros ne prend pas au sérieux son désir de s’installer à la campagne.

Comprenez bien qu’il s’agit là de résumer la situation initiale. On ne va pas écrire la première scène de cette façon. Cette note décrit la situation du héros dans l’acte Un. Et cette situation peut être illustrée en plusieurs scènes. Elle pourrait même s’énoncer après l’incident déclencheur, celui-là même qui va venir sérieusement perturber le quotidien du héros.

Maintenant que vous savez où commencer et où finir, vous êtes sur la bonne voie pour écrire votre scénario.

Stay tune for the next episode

ÉCRIRE UN SCÉNARIO : LES FONDAMENTAUX (7)