L’atelier – 14/20

Par Taibbo

De Laurent Cantet
Avec Marina Foïs, Matthieu Lucci

Chronique : Impressionnant de justesse dans Entre les murs, Laurent Cantet confirme avec L’Atelier son talent pour les portraits de groupe et l’acuité de son traitement de l’adolescence. Si l’adaptation du livre de François Bégaudeau avait une puissance documentaire terrassante, son nouveau film prend un tour plus romanesque, porté d’une part par l’évidence de son thème et l’apport au scénario de Bertrand Campillo, à qui l’on doit les claques Eastern Boy et 120 BPM.
Le cœur du film est évidemment la vie de groupe de ces jeunes gens inégalement enthousiastes à l’idée de rédiger ce roman collectif. Surtout la diversité des profils qui le composent suscite des crispations, des provocations, des conflits et révèle mine de rien une profonde fracture au sein de la jeunesse de ce pays. Toujours en évitant scrupuleusement de s’enfermer dans une vision binaire trop répandue, Cantet les laisse parler, s’affronter, mais ne se met (et ne nous met) jamais en position de juger. Sans en avoir l’air, L’Atelier est un film hautement social, qui dit beaucoup sur la France. Mais pas que. Il prend un tour différent, plus tendu, lorsque la relation ambigüe entre l’écrivaine et l’un des adolescents s’intensifie, naviguant entre fascination et incompréhension. Il gagne alors en puissance dramatique ce qu’il perd en message sociologique.
Mais il positionne toujours au centre du récit le personnage de la romancière, aussi sûre d’elle face au groupe que désarçonnée par le comportement d’Antoine. Marina Foïs y excelle dans les nuances. Son personnage bombe le torse et baisse les épaules, titille et prend peur, assure et doute. L’actrice se construit une filmographie auteuriste de tout premier ordre, élargissant son registre à chaque film et gagnant en assurance. C’est un parcours d’actrice fascinant.
Pour revenir au film, si la deuxième partie est un peu convenue, Laurent Cantet offre une nouvelle fois un regard acéré sur notre société, tout en faisant preuve d’une remarquable densité narrative, que ce soit dans la construction de ses personnages que dans leurs interactions et ce qu’elles signifient. Un cinéma conscient, aussi fascinant que questionnant.

Synopsis : La Ciotat, été 2016. Antoine a accepté de suivre un atelier d’écriture où quelques jeunes en insertion doivent écrire un roman noir avec l’aide d’Olivia, une romancière connue. Le travail d’écriture va faire resurgir le passé ouvrier de la ville, son chantier naval fermé depuis 25 ans, toute une nostalgie qui n’intéresse pas Antoine. Davantage connecté à l’anxiété du monde actuel, il va s’opposer rapidement au groupe et à Olivia, que la violence du jeune homme va alarmer autant que séduire.