L'homme sans frontière

Un grand merci à ESC Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « L’homme sans frontière » de Peter Fonda.

homme_sans_frontiere

« Je l’aime bien ce petit gars, il me rappelle toi quand tu étais plus jeune. Toujours envie de changer de décor. Comme toi. »

Après beaucoup d'années passées à vagabonder dans l'Ouest, Harry Collings est las de cette vie de cow-boy itinérant et choisit de retrouver le foyer qu'il a abandonné, voilà sept ans. Il part en compagnie de son inséparable ami Arch Harris, après avoir vengé de manière sanglante la mort d'un troisième compagnon dans un petit village en bordure du désert. Le retour s'avère délicat car Hannah, l'épouse d'Harry, qui s'était résignée à ne jamais revoir à son époux, appréhende difficilement ce retour. Harry accepte de travailler comme employé et de tout faire pour regagner la confiance d'Hannah...

« Je ne vais pas en Californie. Je rentre chez moi. »

homme_sans_frontiere_Peter_Fonda

Fils de l’immense comédien Henry Fonda et frère de la non moins célèbre Jane Fonda, Peter Fonda entame sa carrière d’acteur d’abord sur les planches à Broadway avant de faire ses débuts au cinéma au cinéma au début des années 60, jouant notamment de le « Lilith » de Robert Rossen aux côtés de Warren Beatty et de Jean Seberg. Mais c’est l’immense succès de « Easy rider » (1969) de Dennis Hopper, dont il est ici l’acteur principal et le coscénariste, qui lui permet d’accéder à une véritable reconnaissance artistique, devenant même l’une des icône de la génération hippie. Devant l’ampleur inattendu du succès de ce petit film, Universal accepte de financer son premier film en tant que réalisateur, « L’homme sans frontière », en lui laissant de surcroit une totale liberté artistique. Mais offusquée par le résultat, la production décide finalement de déprogrammer le film une semaine seulement après sa sortie dans les salles. Le film sera encore présenté quelques années plus tard, à la télévision américaine, dans une version largement tronquée et remaniée, avant de disparaitre totalement de la circulation. Peter Fonda reprendra, lui, sa carrière d’acteur, se réessayant par deux fois - sans succès - à la réalisation (« Idaho transfer » en 1973 et « Wanda Nevada » en 1979). Il faudra finalement attendre 2001 pour que, sous l’impulsion de Martin Scoresese, le film soit restauré et finalement réhabilité.

« D’une manière ou d’une autre, tout est question de temps »

homme_sans_frontiere_Warren_Oates

Genre phare du cinéma américain pendant près de trente ans, le western fut, pour plusieurs générations de spectateurs, synonyme de dépaysement et d’aventures humaines. Un moyen populaire de revisiter collectivement le passé de cette jeune nation et d’exalter le mythe du rêve américain, constitué de terres promises et d’espaces sauvages à dompter et à faire prospérer. A peine sorti de « Easy rider », balade motorisée et contestataire sous acide, Peter Fonda renoue avec les grands espaces avec « L’homme sans frontière ». Mais à l’instar de ses collègues Sam Peckinpah, Arthur Penn ou Robert Altman, Fonda aborde son western sous l’angle de la démythification. En dépit d’une ouverture légère et bucolique, ses personnages se retrouvent rapidement rattrapés par la cruauté du monde des hommes (le cadavre de la fillette dans la rivière, l’assassinat de leur compagnon). Surtout, il sont en bout de course. Totalement désœuvrés. Comme si après des années de vagabondage et d’aventures, le pays était soudain devenu trop étroit pour eux, ne leur laissant d’autre choix que la sédentarisation - autrement dit une certaine forme de conformisme. Il plane ainsi sur le film un sentiment profond de spleen et de désenchantement, jusque dans les retrouvailles d’Harry avec Hannah, la femme qu’il avait abandonné des années plus tôt. Un personnage dense et complexe de femme forte et libre, dont la revendication de son autonomie et de sa liberté sexuelle fait tout à fait écho aux luttes féministes des années hippies. C’est toutefois dans ces scènes, presque naturalistes, où le couple réapprend progressivement à s’aimer que le film trouve ses moments de grâce les plus subtiles et les plus sensibles. Avant d’être rattrapé par une fin brutale et sanglante, qui vient stopper net les espoirs naissants et le retour possible au bonheur. Cette fois c’est sûr, le rêve américain est bel et bien mort et enterré. C’est du moins ce que nous affirme ce beau western élégiaque et crépusculaire, aussi délicat et vaporeux que les premiers films de Terrence Malick.

The_hired_hand

***

Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau master haute-définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également proposés.

Côté bonus, le film est accompagné du module « Un western spectral » analyse du film par Mathieu Macheret, critique cinéma pour Le Monde (27 min.) et d’un module sur la restauration du film (4 min.).

Edité par ESC Editions, « L’homme sans frontières » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 29 août 2017.

Le site Internet de ESC Editions est ici. Sa page Facebook est ici.