L’indispensable tension dramatique

Imaginez deux hommes se livrant une lutte acharnée. Tout prêt d’eux, un gouffre étend sa menace. L’un des hommes chancelle au bord de la falaise. Il va tomber mais par un effort impensable, il se redresse, empoigne son adversaire et c’est maintenant l’autre qui est menacée d’une mort certaine.

C’est un exemple de tension dramatique. En règle générale, la tension est un conflit potentiel. Ce potentiel lorsque la résolution possible du conflit n’est pas certaine positionne le lecteur émotionnellement (et parfois physiquement) lui-même dans un état de tension. Et cela l’incite à continuer sa lecture.
Dans notre exemple, on a besoin de savoir lequel de ces deux hommes sombrera dans l’abîme.
La tension dramatique est différente du suspense. Ce dernier est une situation comme dans le cas de l’ironie dramatique. Un exemple d’ironie dramatique est lorsque le lecteur est au fait d’une information que les personnages ignorent. Deux hommes en conversation autour d’une table ignorent que celle-ci est piégée. Mais le lecteur le sait, ce qui crée du suspense.

En attente de quelque chose

Lorsqu’une scène (qui peut être découpée en plusieurs morceaux placés dans le cours de l’intrigue) ne donne pas de réponse quant à son issue possible (comme le héros s’en sortira-t-il ?), la tension est installée.
Une scène devrait aménager,ne serait-ce que par petites touches, de la tension dramatique. La plupart des scènes présentent un conflit. Un père par exemple qui essaie de convaincre son fils de ne pas quitter le foyer familial est une scène qui expose un conflit entre ces deux personnages puisqu’ils sont animés tous deux d’intentions ou de motivations contradictoires.

Savoir si le père réussira à convaincre son fils crée chez le lecteur de la tension et ce dernier ne cessera sa lecture tant qu’il n’a pas la réponse. La tension évite à la scène de sombrer dans la banalité, le cliché ou l’ennui.
Une fiction présente une copie de la réalité bien plus intense, plus inhabituelle et plus dramatique que la vraie vie. C’est ce qu’un lecteur recherche dans une histoire : quelque chose qui ne sera pas exactement le reflet de son quotidien.

En construisant un conflit potentiel dans une scène, on accroche le lecteur. Pour produire de la tension, les personnages doivent se mettre à douter (il faut ébranler leurs certitudes) ou bien ils sont soudain saisis par la peur (l’auteur doit savoir ce qui effraie le plus ses principaux personnages) ou bien encore décontenancé par les circonstances (dont ils attendent le pire comme le meilleur).

Nécessaire tension

La plupart des scènes n’échappent pas à la tension. L’auteur n’a pas à se demander si telle ou telle scène doit s’imprégner ou non de tension dramatique. A moins qu’une scène soit spécifiquement désignée pour permettre à un personnage de s’épancher par exemple afin que le lecteur apprenne sur lui des choses qui lui seront nécessaires pour comprendre ce qui se passe, la tension se construit dans chaque scène.

Un personnage (le héros la plupart du temps) entre dans une scène avec une intention bien précise. Tout comme dans la vie réelle, il espère une satisfaction. Cette satisfaction est un élément important d’après la théorie narrative Dramatica. Elle consiste à savoir si le personnage obtiendra plus ou moins de satisfaction dans la réussite ou l’échec de son objectif.
Si vous retardez cette satisfaction (en d’autres mots, si les projets du protagoniste sont contrecarrés), vous engendrez de la tension dramatique.

Nous avons vu que l’ironie dramatique créait du suspense lorsqu’une information est distribuée d’une façon particulière (le lecteur sait des choses que les personnages ignorent ou bien le héros sait des choses que le lecteur et les autres personnages ignorent…) mais ne pas donner d’informations, ni d’explications peut engendrer aussi une certaine tension.

On peut voir aussi dans une scène que l’un des personnages détient en quelque sorte un pouvoir. Le père par exemple pourrait avancer des arguments imparables pour convaincre son fils de rester. Celui-ci est alors dans l’incertitude.
Mais il va trouver des arguments encore plus forts. Il s’empare alors du pouvoir. Et c’est maintenant le lecteur qui est dans une sorte de ballotement quant à savoir qui convaincra l’autre. Ce qui crée en lui de l’anxiété.

En introduisant une nouvelle information, vous pouvez décontenancé votre protagoniste. Habituellement, votre héros a élaboré un plan pour se défaire des forces antagonistes qui l’assaillent. Et soudain, voilà que les choses dérapent.
C’est comme si votre protagoniste se retrouvait les bras ballants. Que va-t-il bien pouvoir faire maintenant ?
Et de même, une nouvelle information peut l’amener à voir les choses tout autrement. Et maintenant que son acuité sur la situation a changé, il communique son anxiété ou son angoisse au lecteur.

L’INDISPENSABLE TENSION DRAMATIQUE