« Happy End » : Tromperie sur la marchandise.

Par Victorvandekadsye @BrouillonsCine

Le nouveau film de Michael Haneke nous offre exactement ce que l'on attendait de lui depuis toujours, à savoir une radiographie austère (mais étonnamment jubilatoire cette fois-ci) des travers de la bourgeoisie humaine au sein de moments instantanés pris sur le vif. Autant dire que ça ne se conclura pas avec une fin heureuse...

Entrecoupés par des cartons-génériques, les premiers plans captent immédiatement notre attention par le procédé utilisé par Haneke. En 2005, la caméra DV espionnait insidieusement le quotidien de Daniel Auteuil et Juliette Binoche dans Caché. Douze années plus tard, c'est au tour d'un smartphone d'observer froidement les événements instantanées au sein de ces bourgeois névrosés. A ce titre, Haneke se montre plus malicieux que jamais, proposant même un ton pince-sans-rire jubilatoire en filmant de manière distancée ces chroniques.

A vrai dire, il semble même réaliser son film de manière désabusé. Comme si, plutôt que d'étirer ses états d'âmes moralisateurs avec austérité, Haneke tournait ici son film-somme ; compilant ainsi tout ce qu'il a voulu entreprendre au sein de son oeuvre préférant en rire plutôt que d'en pleurer. Ainsi, nous retrouvons comme dit précédemment la réflexion étrangement ludique sur nos rapports voyeuristes aux caméras avec cette enfant sociopathe filmant de sang-froid des choses éprouvantes tel qu'une mise-à-mort de hamster ou bien Jean-Louis Trintignant dans un rôle au parcours semblable à celui de son personnage dans Amour.

Comme à son habitude, Haneke nous fait ressentir un malaise palpable au moindre plan. Présentant des scènes-instantanés pris dans la vie de ces personnages névrotiques, avec entre autres un improbable karaoké sur fond de Sia, impossible de ne pas rire-jaune devant des scènes demeurant glaçantes. La relation mère/fils mené par le duo Huppert/Rogowski frappe et amuse, rappelant curieusement la relation semblable entre une mère et son enfant dans le Elle de Verhoeven l'an dernier qui s'attaquait aussi aux derives de la bourgeoisie française contemporaine.

Malheureusement, c'est là où Haneke tire sa faiblesse. Ayant comme note d'intention la volonté d'interpeller l'aveuglement du monde quant au sort des migrants dans le monde (son film se déroulant à Calais), le metteur-en-scène exprime mal son souhait d'interloquer son spectateur. Résumant ici une urgence capitale à un effet tarte-à-la-crème provoqué par le fiston de la famille ; souhaitant juste provoquer le trouble au sein d'une fête le temps de deux courtes minutes. La gêne n'est pu ressenti à cause du film mais bien à cause de la maladresse de son metteur-en-scène, qu'on a connu plus inspiré.

Mais hormis sa conclusion presque ratée (le charme Huppert laissant un dernier rire narquois avant l'apparition du générique), Happy End trouve sa grâce dans ses sarcasmes et ses comédiens époustouflants. Même en étant petit, Haneke laisse toujours une grande trace.

Victor Van De Kadsye