Cyclone à la Jamaïque

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à ESC Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Cyclone à la Jamaïque » de Alexander MacKendrick.

« Il dit que les gosses portent malheur ! »

Installés à la Jamaique, les Thornton décident de renvoyer leurs six enfants en Angleterre, afin qu’ils grandissent dans un pays sûr et civilisé. Mais le navire qui les transporte est attaqué par la bande de pirates du capitaine Chavez. En plus de leur butin, les pirates emportent sans le savoir les enfants. Ils ne s’en aperçoivent qu’après avoir repris la mer. Pour certain, ces enfants vont leur porter malheur. Mais Chavez se lie d’amitié avec la petite Emily.

« Vous n’êtes qu’un sale pirate. Un jour vous serez pendu et vous irez en enfer »

Né en Amérique mais élevé en Écosse suite à la disparition prématurée de ses parents, Alexander MacKendrick vit une enfance triste et solitaire au cours de laquelle il développe une imagination sans borne. Devenu un jeune adulte, il quitte l’Ecosse et part pour Londres où il mènera une fructueuse carrière dans la publicité grâce à laquelle il réalise quelques spots publicitaires pour le cinéma. Embauché par le Ministère de l’information pendant la seconde guerre mondiale, il poursuivra son apprentissage en tournant de nombreux films d’actualités et autres documentaires de propagande. De retour à la vie civile, c’est tout naturellement qu’il intègre les prestigieux studios Ealing où grâce à ses comédies populaires (« Whisky à gogo », « L’homme au complet blanc », « Tueurs de dames ») il s’imposera rapidement comme l’un des cinéastes anglais les plus en vue de sa génération. De quoi lui ouvrir bientôt les portes d’Hollywood. Mais en dépit de la réussite du sulfureux « Le grand chantage » (1957, avec Burt Lancaster et Tony Curtis), le caractère entier et indépendant de MacKendrick lui vaut quelques déconvenues avec les studios : remercié des tournages de « Au fil de l’épée » (1959) puis des « Canons de Navaronne » (1961), il finit par réaliser en 1964 « Cyclone à la Jamaïque », adaptation d’un roman de Richard Hugues dont il récupère les droits après que son compatriote Peter Ustinov (épuisé par le tournage de « Billy Bud ») ait renoncé à le tourner. Là encore, le film sera largement remanié par la Fox qui imposera la réécriture de certaines scènes et qui tronquera largement le film, coupant pas moins d’une demi-heure au montage. Marqué par cette difficile expérience, le cinéaste mettra un terme à sa carrière trois ans plus tard après une dernière réalisation, se consacrant par la suite à l’enseignement du cinéma.

« Je pourrais mourir pour toi mais je ne veux pas mourir avec toi pour une bande de gosses »

Attention, avis de tempête à l’horizon. Parce qu’un cyclone a ravagé leur plantation, un couple de colons anglais décide de renvoyer ses enfants vers leur Angleterre natale afin de leur assurer une éducation respectable. Mais l’attaque du bâtiment par un navire de pirates modifiera diamétralement le cours des choses. On l’aura compris, « Cyclone à la Jamaïque » est un film sur l’enfance. Ou plutôt une aventure humaine filmée à hauteur d’enfant et doublée d’un conte d’apprentissage. Livrés à eux-mêmes au milieu d’une horde de pirates, sans autorité raisonnable pour les encadrer, ils feront ainsi l’expérience de la liberté et se retrouveront dans le même temps confrontés à la violence, à la peur et à la mort. Une perte progressive de l’innocence synonyme d’entrée prématurée dans le monde cruel des adultes. Ce qui aurait pu n’être à la base qu’un gentil conte façon « Robinson Suisse » prend chez MacKendrick une tournure quasi philosophique. Ou comment loin de toute morale et de toute civilisation, les enfants finissent par laisser libre court à leur côté obscur, se révélant au final largement aussi cruels que leurs ainés. Loin de tout manichéisme, le cinéaste se livre ici à une vision particulièrement sombre et politiquement incorrecte de l’humanité, qui fait tout le sel de ce récit. Car à force de brouiller les cartes, les plus mauvais ne sont finalement pas ceux que l’on croit. A l’image de ce respectable capitaine prêt à sacrifier ses passagers pour sauver son bas de laine convoité par les pirates. Porté par un duo d’acteurs formidables (Anthony Quinn et James Coburn), ce « Cyclone à la Jamaïque » se révèle être un bijou de cynisme teinté d'une vénéneuse subversion.   

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un nouveau master haute-définition. Il est proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « Une aventure vers l’âge adulte » par Olivier Père, Directeur du cinéma d’Arte France (26 min.) ainsi que d’un module sur la restauration du film.

Edité par ESC Editions, « Cyclone à la Jamaïque » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 8 août 2017.

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