La scandaleuse de Berlin

Un grand merci à Movinside Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La scandaleuse de Berlin » de Billy Wilder.

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« Donner du pain à quelqu’un qui a faim, c’est la démocratie. Le donner de façon ostentatoire, c’est l’impérialisme »

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une commission parlementaire américaine arrive à Berlin pour enquêter sur les moeurs et les conditions de vie des GI en Allemagne. Phoebe Frost, membre de la commission, puritaine et intransigeante, découvre les dessous de la réalité berlinoise, le marché noir et la prostitution. Elle apprend notamment qu’une chanteuse de cabaret et ancienne membre du parti nazi, Erika von Schluetow, bénéficie de la protection d’un officier américain, le capitaine John Pringle. Celui-ci feint de tomber amoureux de la rigide Phoebe afin de l’amadouer.

« Allons dans mon appartement, ce n’est qu’à quelques ruines d’ici »

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Né au tout début du vingtième siècle à Sucha, aux confins du vieil empire austro-hongrois, au sein d’une famille juive aisée, le jeune Billy Wilder débute sa carrière comme journaliste pour un célèbre quotidien viennois. Mais caressant le rêve de devenir écrivain, il décide finalement de partir pour Berlin, alors effervescente capitale artistique de l’Europe. Mais après quelques mois de galères, il finit par intégrer par hasard les studios de la prestigieuse UFA en tant que scénariste. Là, il côtoiera quelques futurs grands réalisateurs, tels que Fred Zinnemann ou Robert Siodmak. Alors que sa carrière démarre de façon prometteuse, l’avènement politique de Hitler précipite son exil, d’abord à Paris où il réalise en 1934 son premier film (« Mauvaise graine » avec la débutante Danielle Darrieux) puis à Hollywood, où il rejoint son frère. Se faisant rapidement un nom comme scénariste (grâce notamment aux succès de « Ninotchka » et de « La huitième femme de Barbe-bleue » réalisés par son compatriote Lubitsch), il signe ses premières réalisations au début des années 40 avec « Uniformes et jupons courts » ou « Assurance sur la mort ». Durant les derniers mois de la seconde guerre mondiale, il part en Europe pour tourner quelques films de propagande à la demande du Département de guerre. Il profitera surtout de ce retour au pays pour tenter de retrouver la trace de sa mère et de sa grand-mère, dont il découvrira finalement qu’elles ont été déportées. Il reviendra à Berlin en 1947 pour tourner « La scandaleuse de Berlin », comédie acide dont le style annonce ses succès à venir au cours des années suivantes, tels « Boulevard du crépuscule », « Stalag 17 », « Sabrina » ou « Certains l’aiment chaud ».

« Une famille a baptisé un nouveau-né d’un prénom américain alors j’ai commencé à croire qu’on avait gagné la guerre »

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1948. Après six années de guerre d’une violence inédite, l’Europe se retrouve totalement exsangue. Berlin, capitale emblématique d’un Reich qui devait durer mille ans, se retrouve elle réduite à l’état de ruines et de cendres. Un décor apocalyptique dans lequel le truculent Billy Wilder imagine une comédie fantasque, dans la veine des Screwball comedy des années 30, basée sur un trio amoureux. Soit l’histoire d’un officier américain de la force d’occupation tiraillé entre une chanteuse de cabaret allemande au passé sulfureux et une sénatrice américaine conservatrice et coincée. Avec un sens de la comédie sans pareil, Wilder nous régale en enchainant les quiproquos les plus improbables autant que  les bons mots tissés avec la finesse d’une dentellière. Mais derrière l’apparente légèreté de la comédie, le cinéaste signe là un film bien plus corrosif qu’il n’y parait, brocardant à la fois la responsabilité d’un peu peuple allemand qui peine à faire son examen de conscience (géniale scène du père affublé d’une moustache hitlérienne qui dénonce son fils, coupable de dessiner des croix gammées partout) tout en dénonçant les souffrances et les humiliations qui lui sont infligées (à l’image de ces femmes qui se vendent pour une barre de chocolat tandis que le personnage de Marlene Dietrich évoque à demi-mot les viols dont elles ont fait l’objet). Surtout, Wilder dénonce l’attitude ambigüe de l’Amérique qui, derrière ses idéaux et sa morale, encourage le marché noir et mène un double jeu avec les allemands, prônant une forme de répression tandis que ses hommes s’accoquinent avec les jeunes berlinoises. Mais « La scandaleuse de Berlin » ne serait rien sans son admirable casting et surtout sans la présence de la grande Marlene Dietrich dont le mélange d’élégance et de gouaille insolente fait ici merveille. Sur les ruines d’une Europe qui peine à cicatriser ses plaies, Wilder signe là une merveilleuse comédie d’une incroyable audace. Un must.   

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Le blu-ray : le film est présenté dans un nouveau master HD. Il est proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également proposés.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation du journaliste cinéma Marc Toullec (12 min.).

Edité par Movinside Editions, « La scandaleuse de Berlin » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 29 août 2017.

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