Le redoutable – 14/20

Par Taibbo

De Michel Hazanavicius
Avec Louis Garrel, Stacy Martin, Bérénice Bejo

Chronique : On a tendance à en minimiser l’audace, mais le cinéma de Serge Hazanavicius est fait de prise de risque et culot. S’ils furent des succès, les deux OSS et The Artist n’avaient rien de paris gagnés d’avance et le réalisateur a su défendre ses projets avec ténacité, intégrité et une certaine cohérence artistique. Après l’échec de The Search, le réalisateur aurait pu choisir de faire OSS 3, mais non, il décide de s’appuyer sur la biographie de l’ex-femme de Jean-Luc Godard pour raconter un an de vie d’un couple alors que Mai 68 transforme la France.
Hazanavicius fait de JLG un personnage burlesque et d’une grande drôlerie, choisissant un angle étonnant pour aborder ce biopic pour le moins irrévérencieux et au ton singulier. Son Redoutable joue sur les contradictions assumées ou supposées du réalisateur de la nouvelle vague, ainsi que sur sa (cinématographiquement géniale) mauvaise foi. La susceptibilité de l’artiste est un ressort comique quasi inépuisable, tout en étant le fil rouge de sa relation avec son actrice de femme. Car Le Redoutable, outre la chronique d’un artiste cherchant à se réinventer, est aussi le film d’un couple à l’épreuve d’une révolution sociale qui secoue aussi bien les rues que les chambres à coucher.
Godard n’est probablement pas tout à fait le personnage que l’on voit à l’écran, mais sans doute était-ce lui en parti. Peu importe finalement, car le résultat est drôle et enlevé, en grande partie grâce à Louis Garrel, exceptionnel dans la peau du cinéaste. A son charisme incontestable s’ajoute un sens comique épatant. Cette inclination à la comédie était perceptible dans Mon Roi, Le Redoutable ne fait que confirmer que la légèreté se marie très bien au talent.
Légèreté et talent qui siéent aussi bien à Hazanavicius qui offre une mise en scène pop et pleine d’idées pour illustrer une époque trouble et foisonnante. L’imagerie puissante relative aux événements de mai 68 et la petite musique inconsciente du cinéma de Godard (les voix off, les incrustations de citations, ce phrasé si particulier, les noir et blancs…) se mêlent avec gourmandise devant la caméra du réalisateur. Tout n’est pas toujours parfaitement à propos, mais son sens du plan et du mouvement, l’humour et la finesse avec lesquels ils redonnent vie à l’époque rendent souvent justice à ses effets de style.
Le Redoutable se révèle un surprenant portrait en faux, une digression ludique, drôle et sans prétention sur un artiste et une époque beaucoup fantasmés. Amusant, vraiment

Synopsis : Paris 1967. Jean-Luc Godard, le cinéaste le plus en vue de sa génération, tourne La Chinoise avec la femme qu’il aime, Anne Wiazemsky, de 20 ans sa cadette. Ils sont heureux, amoureux, séduisants, ils se marient. Mais la réception du film à sa sortie enclenche chez Jean-Luc une remise en question profonde.
Mai 68 va amplifier le processus, et la crise que traverse Jean-Luc va le transformer profondément passant de cinéaste star en artiste maoiste hors système aussi incompris qu’incompréhensible.