Archétype : le messager (herald)

Par William Potillion @scenarmag

Le messager (ou Herald) est souvent le personnage ou l’entité qui va lancer une sorte de défi au héros. Le messager peut apparaître ainsi au moment de l’incident déclencheur dans l’acte Un. Ce moment particulier à partir duquel le quotidien du héros ne sera plus le même.

Parmi les messagers les plus célèbres, nous découvrons Hermès, le Messager des Dieux. Il faut reconnaître que le messager est assez proche du Gardien du seuil.
Mais le messager est un peu comme ces personnages à ressort qui surgissent d’une boite et qui affirment au héros :
Ta destinée est de sauver le monde (par exemple).
Sa fonction principale semblerait être d’initier l’intrigue. Lorsqu’il intervient dans l’incident déclencheur, il est celui par qui le scandale arrive.
Il propose au héros le Call to Adventure.
Nous avons plusieurs fois abordé le messager dans les colonnes de Scenar Mag.
Nous vous proposons la lecture de :
ARCHÉTYPE : LE HÉRAUT

Le temps du changement

C’est ce qu’annonce le messager. Mais d’abord, qui est-il ?
Il peut être un allié du héros. Tel Hagrid dans Harry Potter qui explique à Harry qu’il est un sorcier et qu’un monde de possibilités s’ouvre à lui.

Il peut être aussi un méchant qui menace le héros ou le monde du héros. C’est ainsi que l’on peut admettre que le Terminator est une sorte de messager lorsqu’il assassine toutes les Sarah Connor de l’annuaire. C’est un message pour Sarah que sa vie est sur le point de changer mais qu’elle encourt aussi un grave danger.

Et selon le contexte, il ne peut être que le porteur du message sans intérêt personnel des conséquences possibles.
Dans son monde ordinaire, même s’il n’en a pas vraiment conscience, le héros ne s’est pas totalement accompli. Il lui manque quelque chose.
Il ne sait pas encore que les choses doivent changer.
L’arrivée soudaine du messager sera comme un éveil qu’il doit agir et non plus seulement se contenter de rêver les choses.
Le messager concrétise la réalisation intime que les choses doivent changer et qu’elles ne peuvent plus être ce qu’elles ont été.

Lorsqu’on découvre le héros au début de l’histoire, il est dans son monde ordinaire. Cela signifie souvent qu’il a mis en place des mécanismes d’adaptation et de défense pour gérer sa vie.
Puis survient un nouveau personnage ou de nouvelles conditions ou encore une information qui va venir bouleverser l’équilibre apparent du monde du héros. A partir de ce moment, plus rien ne sera pareil.

D’abord, une décision

Le héros devra faire un choix avant d’agir. C’est une période de doute qui marque une certaine réticence du héros à changer. Cette hésitation à prendre en charge son problème est bien naturelle. Après tout, il est assez difficile de volontairement faire face au conflit qu’engendre nos décisions.

Et il y a peut-être aussi une certaine peur de l’inconnu. Le monde que le héros s’apprête à pénétrer lui est totalement étranger. Bien souvent, il n’en connaît pas les lois.
Pourtant, un Call to Adventure lui est proposé. Il a l’opportunité d’apprécier mieux sa vie. Mais il ne saisit pas vraiment ce que peut signifier cette opportunité.

Ce Call to Adventure est souvent amené par un personnage qui se manifeste sous les traits de l’archétype du messager. Et ce message est le besoin pour le héros de changer sa vie. Campbell considérait le crapaud du conte de fées comme un messager pour la petite princesse lui annonçant qu’elle était au seuil d’un monde nouveau et qu’elle devait en franchir l’entrée.
Il décrivait pour la princesse qu’il était temps qu’elle quitte le monde de l’enfance pour devenir une femme.

Cet archétype du messager (ou héraut) peut correspondre à une nécessité symbolique ou à une métaphore de la manifestation de quelque chose de profondément enfouie en nous qui sait que nous sommes prêt à changer et qui nous envoie un message.
Et cet archétype peut prendre n’importe quelle forme. Aucune obligation pour qu’il soit un personnage. Ce pourrait être même un film que le héros voit dans un cinéma. L’idée de l’archétype est qu’il provoque en nous une résonance. Et pour le héros de fiction, cette vibration n’aura de cesse tant qu’il ne prendra pas la voie du changement.

Une entrée en matière

En tant qu’archétype, un messager est une fonction. Celle-ci consiste à offrir au héros un défi. Ce défi initie l’intrigue.
En quelque sorte, la fonction du messager est de mettre en lumière le problème qui attend le héros. Et puisqu’il y a dorénavant un problème que le héros et le lecteur découvrent simultanément, cela implique que le héros de l’aventure soit motivé à aller jusqu’au bout de celle-ci.

Chistopher Vogler prend l’exemple de Les Enchaînés. Devlin, agent américain, cherche à enrôler Alicia, la fille quelque peu débauchée et ivrogne d’un ancien nazi. Il a besoin d’elle pour infiltrer un groupe d’anciens nazis qui s’est replié sur Rio de Janeiro.

Devlin offre à Alicia non seulement un défi mais aussi une opportunité de se racheter elle-même de sa vie de débauche et de la honte (l’un et l’autre s’expliquent mutuellement) des agissements de sa famille.
Comme Alicia est le personnage principal de cette histoire, elle commence par faire montre de quelques hésitations avant d’accepter.

Alicia est effrayée à l’idée de ce changement que lui offre Devlin. Mais ce dernier, tout comme Hermès, a une mission à lui confier (c’est d’ailleurs sa mission à lui) et il va lui rappeler son passé.
Ce n’est pas très élégant. On constatera d’ailleurs tout au long de l’intrigue que Devlin souffre de jouer ainsi avec Alicia car il l’aime profondément. Mais il ne peut laisser ses sentiments interférer avec sa mission.

Ce que cherche à faire Devlin est de faire prendre conscience à Alicia de la nécessité pour elle de changer. En la forçant ainsi à prendre en charge son problème, il va la motiver.
On ne peut décrire un problème qui assaille le héros sans accompagner ce problème d’une volonté à le résoudre. Lorsque l’auteur détermine un problème pour son héros, il doit aussi envisager de sérieusement le motiver.
Et l’archétype du messager sert en partie à cela.