A L’OUEST RIEN DE NOUVEAU (Critique)

A L’OUEST RIEN DE NOUVEAU (Critique)A L’OUEST RIEN DE NOUVEAU (Critique)

SYNOPSIS: L'adaptation de l'oeuvre de Erich Maria Remarque. De jeunes soldats allemands se retrouvent confrontés aux horreurs de la Première Guerre mondiale, qui ébranlent toutes leurs convictions.

Si on devait définir ce qu'est un grand film de guerre capable de nous faire prendre conscience de ce qui se joue pour ces hommes envoyés au front défendre, au péril de leur vie, une cause plus grande qu'eux, on pourrait encore aujourd'hui se référer au chef- d'œuvre intemporel de Lewis Milestone. Au delà de l'aspect technique et spectaculaire inhérent au genre, un film de guerre est aussi une capsule temporelle qui permet de comprendre ce qui traversait alors son époque. C'est un témoignage des débats agitant une société face à un conflit armé dans lequel ses enfants risquent de perdre leur vie, de l'éternel affrontement entre un patriotisme inébranlable qui refuse de réfléchir sur la légitimité de son engagement militaire et un pacifisme tout aussi dogmatique. De fait, même s'ils reprennent les codes communs au genre, ce schisme se retrouve dans les films de guerre, certains étant ouvertement pro guerre, d'autres pouvant s'analyser comme des charges antimilitaristes. L'un des exemples les plus marquants d'utilisation du cinéma à des fins de propagande fut la prise en main par Joseph Goebbels, alors ministre de la propagande et de l'éducation, de l'industrie cinématographique allemande qui devint l'un des principaux outils de propagande du 3ème Reich. A l'Ouest rien de Nouveau qui est une adaptation du roman antimilitariste de Erich Maria Remark, fut ainsi rapidement interdit de projection dans une Allemagne qui cherchait alors à créer un fort sentiment patriotique sur les ruines laissées par la première guerre mondiale et le sentiment d'humiliation né du traité de Versailles. Le film de Lewis Milestone en prenant la forme d'une chronique de l'engagement volontaire de jeunes allemands exaltés par les discours patriotiques, de leur découverte de la réalité de la guerre et de leur désillusion remet en effet vivement en question le mythe du combattant héros d'une nation qui lui en sera éternellement reconnaissante.

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La figure du soldat sacrifié s'incarne successivement dans ces jeunes hommes dont les visages s'illuminent devant l'éloquence de leur professeur qui interrompt son cours pour les inciter à s'engager en jouant sur leur désir d'émancipation et de gloire, plus encore que sur leur fibre patriotique. Cette guerre éclaire et porteuse de gloire fera certes quelques victimes mais se sacrifier pour sa patrie est une mort douce et glorieuse, comme leur dit ce professeur qui cite le célèbre vers d'un poème d' Horace utilisé par l'armée romaine pour exhorter ses troupes au combat " Dulce et decorum est pro patria mori ". En ouvrant sur la foule en liesse qui acclame les troupes partant au combat puis, dans un même mouvement de caméra (qui constitue l'un des nombreux exploits techniques du film pour son époque), en entrant dans la salle de classe dans laquelle se déroule ce prêche pour la guerre, Lewis Milestone pose d'emblée les bases de son récit, montrant l'effet de la propagande sur la jeunesse allemande pour mieux dénoncer son sacrifice. Il montre littéralement la guerre et son arrière plan, les fenêtres de la classe étant ouvertes sur la place où se déroulent les célébrations accompagnant le départ des troupes. On retrouve par ailleurs, dans de nombreuses autres scènes, cette même profondeur de champ et ce même procédé de traitement de ce qui se passe " derrière " le champ de bataille, comme une façon de remettre les enjeux et destins individuels au centre d'un conflit qui est leur négation.

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Milestone accorde la même importance aux grandes scènes tournées sur le champ de bataille et aux scènes intimes montrant l'attente interminable dans les tranchées, la faim, la peur qui gagne peu à peu ces jeunes hommes partis au front avec des espoirs qui vont se fracasser sur la réalité d'une guerre qui n'offre aucun répit. A l'Ouest rien de Nouveau est ainsi à la fois un accomplissement technique bluffant pour un film de 1930 et un drame d'une sensibilité et d'une intelligence qui n'a que peu d'égal. En adaptant le roman de Erich Maria Remarque, A l'ouest rien de nouveau est le premier film réalisé par un des pays alliés à aborder la première guerre mondiale du point de vue des allemands lesquels ( Clint Eastwood eu une approche semblable avec les japonais dans les Lettres d' Iwo Jima) sont humanisés, les ennemis d'hier étant montrés comme eux aussi victimes de cette guerre et manipulés par le discours de propagande visant à diaboliser ces soldats qu'on leur donne l'injonction de tuer. C'est par ailleurs, à notre connaissance, le premier film à rendre compte de façon aussi réaliste de ce que fut cette guerre de tranchées que la caméra de Milestone parcoure dans d'impressionnants travellings avant d'y plonger pour nous immerger dans le quotidien des soldats dont c'est l'ultime refuge. La technique rencontre toujours l'émotion et le spectacle de la guerre ne prend jamais le pas sur les destins de ces soldats dont on partage la terrible odyssée. Les scènes de dialogue, auxquelles on peut faire le reproche d'être parfois un peu didactiques dans une volonté constante d'expliciter les tourments des soldats, sont parfaitement encadrées par des scènes très spectaculaires sur le champ de bataille.

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Si A l'Ouest rien de Nouveau ne nous épargne rien du supplice que cette guerre fait endurer à ses protagonistes, il n'est pas non plus un film doloriste montrant des corps mutilés sur le champ de bataille, le hors champ et les ellipses étant le plus souvent de mise. Le récit ménage par ailleurs de vraies respirations, toujours à hauteur de ses personnages, notamment la rencontre avec ces jeunes femmes françaises prêtes à succomber au charme de l'ennemi allemand contre un peu de nourriture. Ce passage est traité avec une certaine légèreté, peut être un peu de naïveté mais nous fait partager le court répit que peuvent enfin s'accorder ces jeunes hommes qui retrouvent un instant l'innocence de leur âge. Cette scène fut par ailleurs censurée en France, la fraternisation avec l'ennemi étant un sujet particulièrement polémique. L'absurdité et l'atrocité de la guerre est également montrée à travers le récit des magnifiques bottes en cuir que porte d'abord l'un des soldats et qui sont convoitées par ses camarades. Telle la tunique de Nessus, elles semblent condamner celui qui les porte à un sort funeste et on les voit ainsi passer de soldat en soldat qui se réjouissent d'abord de pouvoir jouir d'un peu plus de confort pour aller au champ de bataille. Lorsque le film resserre son cadre sur le personnage de Paul (Lew Ayres) c'est pour nous faire prendre conscience que la guerre n'épargne personne, pas même ceux qui pourront retourner chez eux et qui seront à jamais transformés et ne parviendront peut être jamais à retrouver leur place dans la société et au sein de leur famille. Sans asséner son propos et avec une virtuosité qui n'a pas subi le poids des années, A l'Ouest rien de Nouveau est le plus vibrant des manifestes contre la guerre et une source d'inspiration pour un grand nombre de cinéastes, dont Christopher Nolan , qui l'a cité parmi les films qu'il avait à l'esprit pour la réalisation de Dunkerque.

A L’OUEST RIEN DE NOUVEAU (Critique)

Titre Original: ALL QUIET ON THE WESTERN FRONT

Réalisé par: Lewis Milestone

Casting : Louis Wolheim, Lew Ayres, John Wray ...

Genre: Guerre, Drame, Historique

Date de sortie: 21 novembre 1930

Distribué par: -

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