120 battements par minute

Par Yutuy

Le festival SoFilm Summercamp est de retour à Nantes, et a projeté en avant première l’attendu 120 battements par minute, de Robin Campillo, au Katorza. Le film a été récompensé par le Grand Prix au dernier festival de Cannes. Le réalisateur était présent pour un échange après le film.
120 battements par minute c’est le portrait du collectif Act up, militant pour la défense des droits des personnes touchées par le SIDA. Au début des années 90, l’épidémie est ignorée, taboue, les campagnes de prévention sont inexistantes, les traitement tardant à venir. Devant l’urgence, et le constat des morts qui se multiplient, Act up, agit, sans concession.

Une claque. Voilà. Quand le film se termine (dans le silence autant dans la salle, que lors de l’apparition du générique), je suis un peu sonnée.
Ancien militant d’Act Up, (association créée en 1989 face à l’indifférence générale concernant l’épidémie du SIDA), Robin Campillo s’est inspiré de ses souvenirs pour raconter l’histoire d’un collectif militant, agissant dans l’urgence.

Les spectateur.rice.s sont donc plongé.es dans la lutte d’Act Up, le film alternant scènes de réunions dans un amphi, actes militants, et scènes intimistes.
La grande force de 120 battements par minute c’est la réussite des connexions entre les gens, la manière dont ils interagissent, s’interpellent, se confrontent. Ils.elles nous font rire, nous indigne, nous émeut. On a envie de participer à leurs débats, d’en entendre plus. Mention spéciale à Nahuel Pérez Biscayart, particulièrement charismatique, dans le rôle de Sean, militant déterminé et drôle.

La mise en scène est soignée, tantôt vivante et frénétique quand les actions militantes sont fracassantes, tantôt solennelles, accompagnant les militant.es dans des rassemblements dénonçant le nombre de morts par exemple. Mais la particularité de Robin Campillo, c’est de connecter via la musique, les stroboscopes, la vie militante, la vie festive, la vie affective. Ces trois aspects sont parties intégrantes des militant.es d’Act Up, sont intiment connectés, et se mélangent. La force du collectif, elle se trouve là.

Après la projection Robin Campillo s’avança pour répondre aux questions des spectateur.rices (on passer sur les remarques homophobes d’un spectateur parlant de « morphologie homosexuelle » #malaise). Il expliqua comment il a pu obtenir un naturel de jeu, notamment dans les scènes d’ampli, en plaçant 3 caméras qui bougeaient régulièrement d’un plan à l’autre, permettant aux acteur.rice.s de les oublier.
Il expliqua également que la Seine colorée en rouge, était un projet d’Act Up qui ne s’est pas fait, mais qui correspondait à l’idée qu’il se faisait de 120 battements par minute, en expliquant que ses personnages sont comme dans un fleuve, circulant, échangeant.

Il a également évoqué l’aspect militant d’Act Up en comparant leur détermination à ce qui a pu se passer avec la lutte pour l’avortement: quand la lutte concerne le corps, et la mort, il y a une urgence qui finit par ne plus laisser le choix de lutter. Par ailleurs, le SIDA étant tabou, l’homosexualité aussi, les personnes concernées ne pouvaient se tourner que vers un collectif comme Act Up pour se sentir moins seul.
Robin Campillo note qu’il est compliqué de mobilier les gens aujourd’hui, pour des luttes. Il pense que via Internet les gens se lâchent mais ne vont plus se confronter aux autres, dans la rue. Avec Act Up ils n’avaient pas le choix de se rencontrer pour communiquer et s’organiser, se confronter parfois durement à leurs idées. L’espace public aujourd’hui est aussi plus verrouillé. Un discours qui donne d’autant plus envie de faire des actions de rue..

120 battements par minute est je pense, un film qui touchera forcément des militant.es quel que soit la cause, mais qui surtout permet de faire comprendre la nécessite d’une lutte, malgré les aprioris que les gens peuvent avoir (radicalité, troubles à l’ordre public etc..). En les voyant agir, en entendant leurs arguments et les arguments des parties adversaires (pouvoirs publics et laboratoires), on ne peut que comprendre leur colère, leurs actes, et l’urgence de bousculer.

SORTIE le 23 août 2017. Go!