Le monde ordinaire du héros (les 10 premières pages)

Convainquez-vous que le lecteur est avide d’en savoir autant qu’il peut en assimiler sur le monde ordinaire de votre héros. Lorsqu’il commence à lire l’histoire, le lecteur est avide de connaître les aventures du héros mais plus que tout, il veut en savoir autant que le héros sur le monde au quotidien de celui-ci.

L’auteur doit alors devenir comme une sorte d’expert du monde de son personnages principal.
Les 10 premières pages du scénario doivent refléter le monde du héros de manière la plus authentique possible. Quel que soit l’univers que vous inventerez ou emprunterez, la documentation possible est quasiment illimitée (surtout de nos jours où l’internet ait venu se greffer sur les bibliothèques).

Un univers destiné au lecteur

L’auteur invente le monde où évolueront ses personnages. Et il fait le pari que son lecteur ne se montrera pas incrédule. Un pari inutile d’ailleurs puisque le lecteur ne souhaite que s’immerger dans le monde qu’on offre à sa curiosité.
Somme toute, il est plus simple de créer un monde que de raconter une histoire. Parce qu’une histoire, c’est une idée.
Et un monde est un terrain de jeu pour d’innombrables histoires.

Et pour satisfaire cette curiosité, il faut qu’il puisse croire en ce monde. Que celui-ci soit crédible. C’est-à-dire pour le lecteur de nouvelles règles qui ordonneront le monde fictif même si ce dernier semble en tous points semblable au monde réel.
Ce monde fictif (lieux et époque) définit le contexte de l’histoire.

Si le monde de l’histoire est à l’identique de notre monde réel, il faut décrire un monde dans le monde. Le microcosme renvoie au macrocosme.
Et le lecteur doit connaître les bons et les mauvais personnages de ce microcosme. Dites-vous qu’un microcosme même ténu est d’une étendue infinie pour la créativité.

Et lorsqu’un personnage agit, il fait sens dans son monde. Ses actions pourraient paraître absurdes dans notre monde mais dans le sien, elles sont logiques et cohérentes. Nous les comprenons dans le contexte particulier qui est le sien.

Un monde bien à vous

Immergez-vous dans votre monde fictif. En d’autres mots, laissez-vous emporter par votre imagination. Inventez et décrivez les règles et les lois de votre monde de fiction à l’intention de votre lecteur.
Nous saurons ainsi quelles choses peuvent s’y produire et quelles choses nous pouvons nous attendre à ce qu’elles se produisent.

Ce monde ordinaire de votre héros est le premier élément dramatique que nous découvrons. Cet élément entre de plain-pied dans l’élaboration de ce personnage. Mais surtout, il semble évident qu’il ne s’y est pas vraiment accompli.
Il n’est pas heureux dans ce monde même s’il ne le sait pas encore.

En décrivant le quotidien du héros, vous introduisez dans le même coup ce personnage auprès du lecteur. Cette introduction doit se faire dans les 10 premières pages du scénario. Au-delà, vous risquez la confusion du lecteur. Et aussi sa frustration (erreur létale pour le devenir du dit scénario).

Parmi les nombreuses conventions littéraires, le lecteur s’attend à ce que le personnage principal soit introduit rapidement dans l’histoire.
Et qu’il soit présent dans pratiquement toutes les scènes.
Cela signifie implicitement que c’est sur ce personnage que doit se porter non seulement l’attention du lecteur mais aussi son empathie.
En ne mettant pas les choses en place au moment où elles doivent apparaître, vous ferez regretter à votre lecteur le temps qu’il vous a offert (alors qu’il aurait pu faire autre chose qu’il considérera plus passionnant).

Le héros dans son monde

Le héros est au centre de l’histoire. Il est le personnage qui fait avancer l’histoire. La première impression qu’on a de lui doit être soigneusement travaillée par l’auteur.
Il doit y avoir quelque chose qui le distingue de tous les autres personnages.

En fait, l’auteur doit parvenir à établir rapidement entre son lecteur et son protagoniste un cordon spirituel. Ainsi, l’état d’esprit dans lequel le héros se trouve est relayé par son monde ordinaire et cet état est connu du lecteur presque par intuition.
Après tout, c’est le processus sensoriel du lecteur (surtout en matière de scénario) qui est sollicité.

Ce quotidien du héros pourrait être totalement perturbé et le personnage complètement déboussolé, mais ce qui compte dans ces 10 premières pages du scénario est que le protagoniste ne le sait pas encore. C’est une sorte d’anosognosie, en somme.

Pourquoi doit-il en être ainsi ? Parce que l’aventure du héros doit le conduire dans un monde qu’il ne connaît pas encore. Et ce monde inconnu existe aussi dans votre monde fictif. Ce dernier se compose d’un quotidien du personnage principal (le monde ordinaire qui nous permet de faire sa connaissance) et d’un monde tout nouveau que ce personnage doit pénétrer.

Néanmoins, le monde ordinaire n’est pas abandonné. Le héros revient vers lui mais transformé. Il est censé selon Joseph Campbell y apporter la bonne nouvelle.
Parfois, ce monde ordinaire a lui aussi évolué pendant l’absence du héros. Et il est tout à fait possible que ce dernier (maintenant qu’il est transfiguré) ne se sente plus confortable avec ce nouveau quotidien. Et il s’en va tel Frodon Sacquet.

Le héros dans le nouveau monde

Ce sont les tribulations et pérégrinations du protagoniste dans le monde de son aventure proprement dite qui lui permettent de progresser.
Il apprend des choses sur lui-même et il change (essentiellement dans sa personnalité).

Ce monde inconnu que va affronter le héros est ce qui le définit véritablement. Il lui permet d’aller à la rencontre de sa véritable nature telle que l’auteur l’a imaginée lorsqu’il a conçu son personnage. Et qu’il s’est bien gardé de révéler au cours des 10 premières pages.

L’acte Un établit le contexte de l’histoire. L’auteur a tout intérêt à le connaître mieux que quiconque : de ses personnages et de son lecteur.
Il faut pouvoir expliquer l’état d’esprit du personnage principal au début de l’histoire. Il faut comprendre dans quel monde il vit et comment il le perçoit.
L’auteur doit donc absorber autant de matériaux que possible sur la description de ce monde. Si, par exemple, votre personnage principal est un marin pêcheur, la documentation le concernant doit porter sur sa profession, sur ses difficultés, sur la vie des familles de marins pêcheurs, sur les conditions matérielles qui l’entourent…
Vous êtes à la recherche d’authenticité.

Plus vous collecterez d’informations sur le monde fictif et plus il semblera réel au lecteur. Et c’est ce que veut un auteur.
Et vous pourriez ne vouloir décrire qu’un état d’esprit. Par exemple, un personnage qui s’estime trop laid pour avoir une vie sociale peut alors s’exclure de lui-même du monde.
L’histoire pourrait alors porter sur des cas de psychoses.  Autant savoir de quoi il parle si l’auteur souhaite traiter de la schizophrénie, par exemple.

Embarquez le lecteur

Le quotidien du héros ne doit pas être négligé. Même si le genre ne permet pas de l’étendre, faites en sorte qu’après la séquence d’ouverture, le monde ordinaire du héros soit suffisamment accrocheur pour justifier toute l’histoire qui va suivre.

Pour cela, il doit pointer vers le thème général de l’histoire. Ce thème qui peut se résumer à ce qui manque dans la vie du héros pour qu’il soit parfaitement heureux.
Mais bien sûr, il ne sait pas ce que c’est. Et il n’en a probablement pas conscience. Peut-être ne fait-il que le rêver ?

Puisque l’univers de l’histoire se compose de deux mondes : un monde ordinaire (quotidien du héros) et un monde inconnu (qu’il faut qu’il apprenne à découvrir au cours de l’intrigue), il devrait être possible d’opérer un contraste entre les deux idées que chacun d’entre eux représente.
Ce qui assure un conflit potentiel.