La Lune de Jupiter réalisé par Kornél Mundruczó [Critique | Cannes 2017]

Par Kevin Halgand @CineCinephile

Synopsis : " Un jeune migrant se fait tirer dessus alors qu'il traverse illégalement la frontière. Sous le coup de sa blessure, Aryan découvre qu'il a maintenant le pouvoir de léviter. Jeté dans un camp de réfugiés, il s'en échappe avec l'aide du Dr Stern qui nourrit le projet d'exploiter son extraordinaire secret. Les deux hommes prennent la fuite en quête d'argent et de sécurité, poursuivis par le directeur du camp. Fasciné par l'incroyable don d'Aryan, Stern décide de tout miser sur un monde où les miracles s'achètent. "

Du 17 au 27 mai 2017, nous sommes au 70e Festival de Cannes. Entre coups de cœur et coups de gueule, émerveillements et maux de tête, retrouvez nos avis sur les films vus durant ce festival pas comme les autres. Des avis courts, mais pas trop et écrits à chaud, afin de vous offrir un premier avis sur les films qui feront, ou non, prochainement l'actualité.

Trois ans après White Dog, présenté dans la sélection Un Certain Regard et lauréat du Grand Prix, le cinéaste hongrois Kornél Mundruczó est de retour à Cannes. Pour les 70 ans du Festival, il revient avec un nouveau long-métrage ambitieux. Trop ambitieux ? Les super héros ont le vent en poupe depuis quelques années, mais le vent semble tourner. Les spectateurs se lassent légèrement, mais certains cinéastes tentent de s'emparer du genre pour le détourner. Ce qui est le cas de Kornél Mundruczó avec son film : La Lune de Jupiter. Ici pas de super-héros à proprement parler, mais un super pouvoir tout de même. La Lune de Jupiter conte l'histoire d'un jeune migrant qui suite à une blessure, va se trouver le don de léviter. Un don qui va attirer l'attention d'un homme, qui souhaite bien en tirer profit. La Lune de Jupiter, ou comment utiliser un super pouvoir et un des aspects du film de super héros pour parler de deux sujets sensibles que sont l'immigration et le capitalisme. Deux sujets qui peuvent être traités chacun de leurs cotés, mais intrinsèquement liés et ici reliés avec force et envie au travers d'un synopsis des plus intéressants. Cependant, un synopsis n'est pas forcément révélateur du scénario et du projet dans son intégralité. Ici, le synopsis paraît, à l'image du film, fort et audacieux. Une audace que paye frontalement Kornél Mundruczó au travers d'un film non dénué de fulgurances, mais au scénario des plus brouillons et aux multiples concepts qui viennent se tuer un à un. Immigration, le regard des autres, le capitalisme, l'avarice des êtres humains sans pour autant généraliser sur ces derniers, tout en offrant aux spectateurs de purs moments de grâce super-héroïques... lourd cahier des charges.

La superbe introduction réalise un parfait condensé de tout ce que va chercher à traiter l'œuvre dans son intégralité. Et ce, tant sur le plan scénaristique que technique. Un (faux) plan-séquence, de 6 minutes aux coupures visibles, mais magnifiquement bien " couvertes ", au sein duquel vont être traitées par le biais de la mise en scène et de dialogues inutiles les différentes thématiques. C'est beau, intéressant à suivre et disséqué, mais ça aurait amplement suffi. Va s'en suivre deux heures durant un enchaînement de séquences réalisées en plans-séquences, qui vont perdre le spectateur dans l'espace et ses enjeux scénaristiques. Personnages insipides, enjeux de moins en moins clairs, dialogues risibles, acting caricatural, photographie qui se cherche (naturaliste, mais pas trop...) et une réalisation caméra à l'épaule inutilement mouvementée. La caméra à l'épaule permet de dynamiser et casser la monotonie de la mise en scène, mais elle est ici inutile, à l'instar des multiples plans-séquences où un simple plan fixe permettait d'en voir suffisamment tout en offrant au hors champ la place nécessaire. Les moments de grâce que possède le film se comptent sur les doigts d'une main et sont les moments plus stables. Le personnage flotte, lévite dans l'air et la caméra pivote autour de lui. Le jeu avec la gravité est intéressant, le spectateur en vient à se demander si c'est le décor qui tourne ou le personnage et en vient à oublier cette caméra qui tout au long du film nous ramène au temps de la caméra participative. C'est beau, même brillant à ces moments clefs. Seulement à ces uniques moments qui représentent moins de quinze minutes du film et ne cherchent qu'à évangéliser le personnage. L'évangélisation, sujet clef du scénario et finalement le seul qui nous revient à l'esprit, car clairement mis en images par la mise en scène de Kornél Mundruczó.

La Lune de Jupiter est un film ambitieux, au synopsis intéressant et intriguant, mais au résultat des plus médiocres. D'une scène d'introduction magnifiquement mis en scène, le filme sombre peu à peu dans une histoire aux thématiques mal exploitées, aux personnages caricaturaux et aux enjeux incompréhensibles. Subsistent quelques fulgurances, quelques magnifiques scènes de glorification où le personnages est évangélisé. Pas suffisent pour sauver le film de son naufrage.

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