Flux & reflux de la tension

Chaque scène de l’histoire varie en intensité, c’est-à-dire en tension. C’est le flux et reflux de toute fiction.
Le travail de l’auteur est d’exploiter cette variation de l’intensité tout au long de son histoire.

Les moments les plus intenses et ceux pour lesquels l’auteur souhaite que le lecteur ressente une forte émotion doivent non seulement se produire au bon moment mais ils doivent être aussi considérés comme des éléments dramatiques de son récit (et non comme un simple pathos).
L’auteur doit prendre le temps de juger chaque scène qu’il a écrite et déterminer le niveau de tension qu’elle devrait présenter. Ainsi, il peut estimer si une scène ne nécessite aucune intensité ou au contraire si elle doit présenter un maximum de tension.
Au fil de l’histoire, l’intensité variera mais en accord avec ce que l’auteur cherche à dire.

Un entre-deux

Il s’avère néanmoins qu’aucune scène ne devrait être démunie d’une certaine tension pas plus qu’elle ne devrait être conçue pour provoquer seulement une forte réaction émotionnelle chez le lecteur.
Presque toutes les scènes devraient jouer avec un niveau de tension adapté à son contenu. La tension devient ainsi un composant de la scène (et non la scène elle-même).

Habituellement, une scène se construit en partant d’une faible intensité pour atteindre le maximum qui lui convient lorsqu’elle se termine (et qui n’est pas nécessairement la plus forte tension possible).

L’auteur, cependant, peut s’amuser avec ses scènes. D’abord, il est souvent conseillé d’être économe lorsqu’on écrit. Inutile de s’épancher alors qu’en commençant une scène au milieu des choses (In Media Res), l’impact est plus profitable sur le lecteur.
Ensuite, l’auteur peut inverser la tension. Il démarre la scène alors que la tension présentée est élevée et diminue celle-ci progressivement jusqu’à l’éteindre.

Un scénario est un outil destiné à un média visuel. Il faut donc montrer les choses. Travailler sur l’intensité est une aide précieuse pour parvenir à montrer et évite de s’enterrer dans des descriptions qui ne servent pas vraiment la cause du scénario.

Une description succincte et efficace

Ne cherchez pas entrer dans les détails pour expliquer les choses. Une simple description comme
Elle essaya de crier mais aucun son ne sortit de sa gorge
est suffisant pour montrer ce que ressent le personnage.

Et comme la tension d’une situation est véhiculée par les personnages, vous permettez au lecteur d’éprouver immédiatement ce qu’il ressent.

Il faudra cependant trouver un équilibre. On ne peut pas mettre en tension permanente un lecteur. Il lui faut de temps en temps trouver un peu de répit. Même dans les histoires qui dépendent essentiellement d’une étude psychologique du personnage, il faut casser le rythme par des moments comiques ou d’action pure.
Sinon, cela devient trop pesant pour le lecteur.

Les scènes de transition

Ce sont généralement les scènes de transition qui permettent au lecteur de reprendre son souffle. Beaucoup peut être dit en quelques secondes.
Et les scènes de transition même ténues peuvent être lourdement chargées en information. Elles sont souvent utilisées pour pointer une information que le lecteur doit connaître pour la compréhension de l’histoire.

Ou pour illustrer notre métaphore du répit, elle peut aider le lecteur à sortir d’une scène ou bien le préparer à entrer dans une nouvelle scène (et parfois, les deux).
Qu’elle introduise le lecteur à un nouveau contexte ou un nouveau personnage ou qu’elle donne les faits bruts (elle décrit des circonstances) afin que l’on comprenne ce qui va se passer ensuite, une scène de transition a le mérite de fluidifier l’histoire.

Dans Le monde de Nemo par exemple, son univers merveilleux nous est introduit lorsque Nemo grimpe sur le dos d’une raie pour se rendre à l’école. La raie sinue à travers le corail et Nemo découvre son monde comme il ne l’a encore jamais vu.
Et nous aussi, nous profitons de la beauté de cet écosystème. Cette scène de transition (hors de l’histoire en quelque sorte) nous introduit non seulement à l’univers de Nemo mais aussi à la fascination qu’il éprouve envers son monde.

Cette transition nous mène à la scène de la séparation entre Nemo et son père. Une scène dont l’intensité est élevée. Mais elle nous informe aussi que Nemo est courageux et impatient d’aller au devant de ce monde dont il ignore tout. Cela établit aussi un contraste avec son père qui est méfiant des dangers que peut receler l’océan.