Rodin (2017) de Jacques Doillon

Après "Mes Séances de lutte" (2013) le réalisateur Jacques Doillon s'est vu offrir de réaliser un documentaire sur le sculteur Auguste Rodin, mais à force d'y travailler le cinéaste s'est pris à écrire un film scénarisé. Finalement ça sera un biopic dans la tradition française du genre. Quelle bonne idée tant le cinéma ne s'est jamais franchement penché sur le destin d'un des plus grands sculteurs de l'Histoire, préférant même le destin de Camille Claudel. Nous citerons les deux seuls films sur le sujet, "Camille Claudel" (1988) de Bruno Nuytten avec Gérard Depardieu et Isabelle Adjani dans les deux rôles respectifs et dernièrement "Camille Claudel 1915" (2013) de Bruno Dumont avec Juliette Binoche dans le rôle titre... Cette fois le couple d'artistes est incarné par Vincent Lindon en Rodin qui retrouve donc un personnage historique après son rôle de Professeur Charcot dans "Augustine" (2012) de Alice Winocour, et Izia Higelin en Camille Claudel. En prime nous saluons le retour de la comédienne Séverine Caneele, ancienne ouvrière d'usine qui malgré son prix d'interprétation (prix controversé !) à Cannes 1999 n'a pas reçu de suite pour une carrière et, après un retour à l'usine n'aura finalement tourné que dans 5 films.

Rodin (2017) de Jacques Doillon

Le cinéaste a reçu l'appui du Musée Rodin qui a permis d'avoir des pièces artistiques pour appuyer le réalisme des oeuvres et a même pu tourner dans la véritable demeure du sculteur à Meudon. Doillon précise : "Comme la célébration dui centenaire de la mort du sculteur se profilait, ils m'ont proposé d'envisager la réalisation d'un documentaire sur lui. Je connaissais son oeuvre, mais sans plus. J'avais été quelquefois au musée, voilà tout. J'ai accepté dans un premier temps, mais assez vite, j'ai imaginé des scènes de fiction pour mieux "faire revivre l'animal""... L'animal, tout est dit quand on sait que Rodin était surnommé "Bouc sacré" pour ses performances sexuelles. Il semble que Doillon est apprécié ce côté de la personnalité de l'artiste insistant notamment beaucoup sur l'importance du baiser et les modèles nus. Si ils sont certes importants dans son oeuvre on sort malheureusement du film avec le sentiment que Doillon n'a pas pu intéresser et donner du souffle artistique à son film. Vu la thématique c'est bien dommageable.

Rodin (2017) de Jacques Doillon

Le film débute avec la précision qu'on commence le récit en 1880, quand on sait que Rodin et Claudel ne se côtoie pas avant 1882 il y a déjà un soucis chronologique. Comme le fait que la statue de Balzac n'est effectuée qu'après le départ de Camille Claudel. Ensuite la période prise en compte est entre 1883 et 1899 environ... Alors comment se fait-il que Rodin ne vieillisse pas ?! Paramètre basique mais aussi naturel que nécessaire et donc erreur stupide. Mais ça reste des erreurs hagiographiques qui ne retirent en rien la dimension historique du film et de l'intérêt pour cet auguste artiste. Lindon est un Rodin solide, voir idéal même si le faire marmonner plutôt que de parler correctement est un choix judicieux et/ou historique valable. De son côté Izia Higelin est merveilleusement investie. Le vrai soucis réside bel et bien dans la direction d'acteur (trop monolithique, peu passionnelle) et dans une mise en scène statique qui ne fait pas vivre l'esprit artistique, trop cloisonnée elle ne rend pas l'art libre et passionnel. On s'ennuie ferme malgré un destin qu'on a envie de connaitre et de comprendre. Dans le genre (biopic d'artistes manuels) on connait bien mieux.

Note :

Rodin (2017) Jacques DoillonRodin (2017) Jacques Doillon