Ran

Ran
Dans le Japon du XVIe siècle, le seigneur Hidetora Ichimonji décide de se retirer et de partager son domaine entre ses trois fils, Taro, Jiro et Saburo. Mais la répartition de cet héritage va déchirer la famille.
Ran – 25 Septembre 1985 – Réalisé par Akira Kurosawa
Le seigneur Hidetora Ichimonji arrive bientôt au bout d'une vie agitée, faite de conquêtes et de guerres, pour enfin laisser la place à ses enfants. Lors d'une partie de chasse parmi des milliers, il décide de passer la main et de le dire à ses trois enfants. L’aîné Taro devient le chef du clan et hérite du plus grand des châteaux, quand Jiro et Saburo hérite eux aussi des deux derniers châteaux, devenant aussi les vassaux de leur frère. Une obéissance que leur père justifie par le fait d’être unie. Taro et Jiro ne disent rien et abondent dans son sens, sauf Saburo qui ne comprend pas cela, vu que leur père à acquis sa puissance en usant de la traîtrise. Prenant cela pour une menace, Hidetora bannit son fils. Débarrassé de toute menaces, Hidetora abdique et Taro accède à la tête du clan. Hélas c'est ce qui signera le début de la fin de l’ère Ichimonji. Taro se laisse aveuglé par le pouvoir et par le désir secret de revanche de sa femme qui à vu son clan dévasté par l'armée de son père. Peu à peu le chaos s'installe dans la famille et Hidetora sera alors le témoin désabusé de la chute de son empire …
J'ai découvert ce film lorsque j'avais une dizaine d'années, un film qui à défaut de rester imprimé dans ma tête, m'a laissé ce goût de la démesure que j'avais ressenti et en le revoyant c'est ajouter la maestria d'un réalisateur talentueux, celle de Akira Kurosawa. Une redécouverte complète de bout en bout qui ne fait que confirmer que j'apprécie énormément les films d'époque de Kurosawa, les fameux Jidai-Geki qui vous transporte dans le Japon médiéval, avec des seigneurs, des guerres, des trahisons et des gigantesques batailles.Ran

S'inspirant de la pièce « Le Roi Lear » écrite par William Shakespeare, les scénaristes abandonnent la grande Bretagne pour le Japon médiéval. Exit le Roi et ses trois filles, place au daimyo Hidetora Ichimonji et ses trois fils. L'intrigue porte sur le destin du clan Ichimonji, de l'héritage que laisse Hidetora et de la trahison successive de ses deux plus vieux fils. C'est à la fois très simple dans sa construction et très complexe dans ses ramifications, car il ne s'agit pas que du destin des Ichimonji mais bien de payer les affres d'une vie faite de violences, avec ce que cela implique comme conséquences. C'est ainsi que le film mêle vengeance, trahison, politique, cupidité, pouvoir, haine, jalousie et héritage ou l'autorité d'un père ne peut aller contre la soif de pouvoir de ses enfants, ou une femme qui a vu son clan exterminé fomente sa vendetta avec patience et ou des frères se jalousent entre eux quitte à faire plonger leur père dans la folie …
Une histoire tragique qui synthétise bien des thèmes de Kurosawa, entre le bien et le mal, entre le ciel et l'enfer, entre la dualité qui existe en chaque homme et sur les puissants qui méprisent les plus démunis. Un regard sans concession et intransigeant sur le monde des hommes qui méprisent leurs prochains, qui prend ce dont ils ont envie sans se soucier un seul instant des conséquences de leurs actes, se construisant une bulle de bonheur, sur les cendres encore chaudes du malheur qu'il ont causé! Un sentiment que l'on peut apercevoir dans certains de ses précédents films, comme « Un merveilleux dimanche », « les bas-fonds » ou encore « Les salauds dorment en paix » … Ran
Ce qui frappe quand on regarde « Ran » avant quoi que ce soit d'autre, c'est la beauté picturale de l'ensemble du film. Akira Kurosawa a savamment pensé son film, que cela soit des le début avec la partie de chasse qui finit en pleine montagne, symbole de la passation de pouvoir entre le père, figure déifiée, et ses enfants, ou encore par la narration maîtrisée qui nous entraîne dans la chute de ce clan. Jusqu'au final, cruel et sans concession. C'est admirable de bout en bout et l'on ne s'ennuie absolument jamais, Akira Kurosawa nous gratifiant même d'une incroyable scène de bataille en milieu de film, intense, désespérée et violente, avec un décor naturel et des milliers de figurants. Et c'est la que tout le génie du réalisateur opère, visuellement chaque plans est extrêmement bien détaillé, bien composé, avec soin et minutie qui dénote du travail colossal de Kurosawa. Il a mis près de dix ans à storyboarder à la peinture chaque plan et cela se ressent au final, car c'est un rendu très proches de la peinture qui donne une ampleur démesurée à un bon nombre de séquences. De plus le film ne fait jamais l'économie d'un décor reconstitué, comme le château incendié, ou bien évidemment des costumes fait main, sublimes et colorés qui ont demandé près de deux ans pour les réaliser et qui rajoute encore une couche en terme d'authenticité.
Bref un travail d'une immense qualité que l'on retrouve dans la prestation des différents acteurs qui composent le casting du film. Celui qui m'a marqué et qui vous marquera à coup sur, c'est la prestation sans faille de Tatsuya Nakadai dans le rôle de Hidetora Ichimonji. A cheval entre une interprétation théâtrale et une retenue sans faille, il incarne toutes les facettes de son personnage avec un grand soin et une intensité qui ira crescendo. Une mue sans aucun mesure qui s'accompagne d'un travail de maquillage somptueux, allant presque nous le faire passer pour homme qui porte son masque de mort. Mieko Harada incarne Kaede la femme de Taro (Akira Terao) et elle compose un personnage trouble mue par un sentiment de haine très profond. Un sentiment qu'elle fera passer peu à peu, se dévoilant avec malice jusqu'à réussir sa vengeance, avec froideur et détermination. Puis on trouve les trois enfants joués par Akira Terao, Jinpachi Nezu et Daisuke Ryu, un mélange de cœur, d'arrivisme et de trahison. Et enfin pour finir on peut compter sur Shinnosuke Ikehata l'inoubliable bouffon d'Hidetora, Hisashi Igawa et Masayuki Yui ! Magnifique, puissant et inoubliable 

Ran

Ran par Kevin Tong