Pourquoi 95% des comédies françaises sont mauvaises

C’est la goutte d’eau sur le pompon. La prestigieuse société de distribution Wildbunch a été fière de dévoiler ces derniers jours, l’affiche de la nouvelle comédie réalisée par Audrey Dana; Si j’étais un homme.
Voici l’objet du délit:

Pourquoi 95% des comédies françaises sont mauvaises

L’affiche parle d’elle même. Malgré le fait que je pense que l’aspect beauf/transphobe/clichés/bouse (rayez les mentions inutiles..ou pas) est assez flagrant, je me permets d’expliciter pourquoi cette affiche est problématique. Transphobe, pourquoi? Ce n’est pas l’organe sexuel qui définit le genre. Les personnes trans l’expliqueront mieux que moi. En tout cas, si vous voulez vous renseigner sur le sujet, allez voir cette vidéo; « rien sur nous sans nous » qui est une conférence évoquant notamment le cinéma et les personnes trans. Ou vous pouvez lire ou relire mon article à ce sujet.

OK, les cinéastes ne sont pas obligé.e.s de faire du cinéma militant, « cérébral », mais un minimum de décence serait le bienvenu. Et comme ce n’est pas la première fois que je constate ce genre de bêtises ahurissantes, ou que j’entends/lis « on ne peut plus rien dire », « l’art ne doit pas être censuré etc.. »…Moi aussi je me disais avant qu’on pouvait rire de tout, mais…non.
Je sais qu’on peut me faire la remarque que le cinéma de genre est provocateur, pas safe, violent etc..Mais quand les films sont bons, ils ont un réel message à faire passer, ou une réelle réflexion à proposer. Le rire minimise des propos qui peuvent avoir des répercussions importantes sur la vie de personnes subissant une discrimination. C’est d’autant plus dangereux pour moi, car les personnes concernées se sentent souvent obligé.es de valider des blagues oppressives, pour ne pas paraître rabat joie, ou les gens ne perçoivent pas pourquoi ces mêmes personnes peuvent être blessées…

Pourquoi la plupart des comédies françaises sont elles oppressives?

Parce qu’elles sont racistes, en utilisant clichés sur clichés (Qu’est ce qu’on a fait au Bon Dieu, A bras ouverts), soit elles font du whitewashing (Aladdin), soit les acteur.rices engagé.e.s sont systématiquement non concerné.e.s par le sujet (François Cluzet dans Intouchables, Karin Viard dans La famille Bélier, Jean Dujardin dans Un homme à la hauteur, Héloïse Martin dans le film adapté de la BD Tamara..). Attention ça n’enlève en rien la qualité de jeu de la plupart de ces acteur.rice.s, pour autant, aucune personne concernée n’est soit ni concertée/engagée pour jouer dans ces films. C’est une curieuse façon de leur rendre hommage, de parler d’eux.elles,  de soulever des problématiques, etc..
Elles sont également sexistes pour beaucoup (absence de consentement du personnage féminin, clichés sur la « féminité »). Les femmes ont souvent un rôle de faire valoir, ou sont souvent en seconds rôles.

N’hésitez pas à aller voir la vidéo de Licarion, qui explique tout cela parfaitement.

Pourquoi c’est important de lutter contre ça?

Avant tout parce que ce n’est pas drôle de rire des discriminations (là je pense que je n’ai pas besoin d’expliquer pourquoi). Parce qu’en 2017 on a besoin d’un cinéma intelligent, qui réfléchit, même si c’est de l’humour. L’humour n’a pas vocation à faire perdurer les discriminations. Les personnes victimes d’une oppression n’ont pas envie de se détendre en allant voir un.e réalisateur.rice se moquer des discriminations subies par certain.e.s au quotidien. Surtout qu’au cinéma, on a tendance à essayer de faire rire sur l’autre qui est différent…
Le fait d’entretenir des clichés entretient ces discriminations (et ses violences). Au quotidien, on devrait donc rire de choses qui blessent? Non, je ne crois pas.
Ensuite parce que si ça a vocation de refléter la réalité…et bien, ce n’est pas le cas.

Et c’est possible de faire rire, sans être oppressif?

Pour illustrer le fait qu’on peut tout à fait se taper une barre, sans taper sur les autres, voici une petite liste de comédies françaises intelligentes et drôles:

1-Nous trois ou rien de Kheiron, 2014.

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Synopsis: D’un petit village du sud de l’Iran aux cités parisiennes, Kheiron nous raconte le destin hors du commun de ses parents Hibat et Fereshteh, éternels optimistes, dans une comédie aux airs de conte universel qui évoque l’amour familial, le don de soi et surtout l’idéal d’un vivre-ensemble.

C’est une pépite, c’est drôle, et on apprend des choses…De loin la comédie française que je préfères.

2-Comme des frères d’Hugo Gélin, 2012

Pourquoi 95% des comédies françaises sont mauvaises

Synopsis:  A la mort d’une amie en commun, trois hommes que tout sépare entament un road movie en quête de réponses…

Ce n’est pas le film de l’année, c’est un cliché nian nian avec trois hommes charmés par une femme mais il est beaucoup question d’amitié, de recherches sur soi et je ne note pas de blagues oppressives, ou de répliques beaufs.

3- 9 mois ferme d’Albert Dupontel, 2012

Pourquoi 95% des comédies françaises sont mauvaises

Synopsis: Ariane Felder est enceinte ! C’est d’autant plus surprenant que c’est une jeune juge aux mœurs strictes et une célibataire endurcie. Mais ce qui est encore plus surprenant, c’est que d’après les tests de paternité, le père de l’enfant n’est autre que Bob, un criminel poursuivi pour une atroce agression ! Ariane, qui ne se souvient de rien, tente alors de comprendre ce qui a bien pu se passer et ce qui l’attend..

Le cinéma d’Albert Dupontel n’est pas toujours accessible, mais 9 mois ferme peut être tout à fait apprécié par un public mainstream. Donc qui que vous soyez, foncez si vous ne l’avez pas vu, c’est un pur bonheur.

4-La cité de la peur des Nuls, 1994

Pourquoi 95% des comédies françaises sont mauvaises

Si vous ne connaissez pas la Cité de la Peur, je ne peux rien pour vous.

Force est de constater que le film a bien vieilli humouristiquement parlant (même si ça fait toujours plaisir), mais il utilise le levier de l’absurde pour faire rire. Et ça fonctionne, c’est maintenant culte.

Licarion a d’autres comédies à vous proposer ici.

Tout ça pour dire que les comédies françaises de bouse oppressives, ce n’est pas une fatalité. C’est encore une fois une question de volonté…