Depasser son manque d’inspiration

Par William Potillion @scenarmag

Dans la foulée de notre article précédent sur l’inspiration :
INSPIRATION : Y CROIRE ET S’EN DONNER LES MOYENS

Dressons quelques moyens préconisés par de vraies personnalités pour aller au-delà de l’angoisse de la page blanche.

“I’ve stopped unraveling every time I’m unable to write. I wait. The drawer opens. Waiting is part of writing.”
Anthony Minghella 

J’ai arrêté d’essayer de comprendre chaque fois que je suis incapable d’écrire. J’attends. Le bac à papiers prêt. Attendre est une part de l’écriture.

Ne vous laissez pas gagner par l’angoisse du manque d’inspiration. Car le manque d’inspiration est une part légitime du processus de tout projet d’écriture. Laissez votre esprit vagabonder sur d’autres choses. L’inspiration pour la tâche en cours reviendra.

The best way is always to stop when you are going good and when you know what will happen next. If you do that every day … you will never be stuck. Always stop while you are going good and don’t think about it or worry about it until you start to write the next day. That way your subconscious will work on it all the time. But if you think about it consciously or worry about it you will kill it and your brain will be tired before you start.
Ernest Hemingway

La meilleure façon est de toujours s’arrêter lorsque vous êtes satisfait de ce vous avez fait et que vous savez ce qui va se passer ensuite. Si vous faîtes cela chaque jour… vous ne serez jamais en panne d’inspiration.
Toujours s’arrêter lorsque vous êtes satisfait de votre travail et ne plus y penser ou ne plus le ruminer jusqu’à ce que vous commenciez à écrire le jour suivant. De cette façon, votre subconscient travaillera dessus tout ce temps.
Mais si vous y pensez consciemment ou le ruminez, vous le tuerez et votre cerveau sera fatigué avant même d’avoir commencé.

Si vous pouvez poser votre plume alors que vous vous sentez en pleine inspiration, votre prochaine session sera beaucoup moins douloureuse parce que votre inspiration aura mûri en vous.

The best way for me to start writing a story is to get two characters talking to each other. And if you got questions from one, you’re gonna have to get answers from the other, and you can start to find out who is coming out of you when you’re writing, if you know what I mean.
Paul Thomas Anderson

La meilleure façon pour moi de commencer à écrire une histoire est de prendre deux personnages et de les lancer dans une conversation.
Et si vous avez des questions venant de l’un, vous allez devoir avoir des réponses venant de l’autre et vous pourrez commencer à comprendre qui est celui qui sort de vous, si vous voyez ce que je veux dire.

Vos personnages de fiction prennent vie dans votre esprit créatif. Et puis comment expliquer qu’un lecteur puisse ressentir de l’empathie envers un être fictif ?
Face à un moment de doute, si vous hésitez sur la manière de lier les éléments de l’intrigue et vos personnages, considérez deux personnages en situation conflictuelle et placez-les dans une même pièce pour voir ce qui se passe.
Nul doute que le manque d’inspiration s’estompera avec ce petit exercice.

Put it aside for a few days, or longer, do other things, try not to think about it. Then sit down and read it as if you’ve never seen it before. Start at the beginning. Scribble on the manuscript as you go if you see anything you want to change. And often, when you get to the end you’ll be both enthusiastic about it and know what the next few words are.
Neil Gaiman 

Mettez-le de côté pendant quelques jours ou plus. Faites d’autres choses. Essayez de ne pas y penser.
Puis asseyez-vous et lisez-le comme si vous ne l’aviez jamais vu.
Commencez dès le début. Annotez le manuscrit éventuellement si vous voyez des choses que vous voulez changer.
Et souvent, quand vous arriverez à la fin, vous serez à la fois enthousiaste sur ce travail et vous saurez quels sont les prochains mots.

Il est normal que la lassitude nous gagne sur un projet. Parfois, on peut même s’y noyer.
Eloignez-vous de votre projet et lorsque vous vous sentirez prêt (ou prête) à vous y remettre, relisez-le du début à la fin.
Puisque vous aurez des yeux tout neufs à poser sur ce contenu.
Des yeux innocents de la frustration et de l’anxiété dont ils s’étaient embués avant ce moment de détente.

In the middle of writing something you go blank and your mind says: ‘No, that’s it.’ Ok. You’re being warned, aren’t you? Your subconscious is saying ‘I don’t like you anymore. You’re writing about things I don’t give a damn for.’ You’re being political, or you’re being socially aware. You’re writing things that will benefit the world. To hell with that! I don’t write things to benefit the world. If it happens that they do, swell. I didn’t set out to do that. I set out to have a hell of a lot of fun. I’ve never worked a day in my life. The joy of writing has propelled me from day to day and year to year.
Ray Bradbury

Vous êtes en train d’écrire quelque chose et soudain, c’est le blanc. Et votre esprit vous dit : « Non, c’est pas vrai ! »
Ok. On vous avait prévenu, non ? Votre subconscient est en train de vous dire : « Je ne t’aime plus… Tu es en train d’écrire sur des sujets dont je me fiche totalement. »
Vous avez versé dans le politique ou vous vous êtes montré socialement concerné. Vous avez écrit des choses pour améliorer le monde.
Au diable tout ceci. Je n’écris pas des choses qui peuvent servir au monde. S’il s’avère que c’est le cas, c’est magnifique. Mais ce n’est pas ce que j’ai voulu faire. Tout ce que je voulais, moi, c’était m’amuser.
Je n’ai jamais travaillé une seule journée dans ma vie. Le plaisir d’écrire m’a emmené de jour en jour, d’année en année.

Si vous vous retrouvez dans une impasse, c’est probablement que vous vous y êtes mis vous-même.
Peut-être votre projet est une commande. Et le souci est que vous ne parvenez pas à accorder ce que veut et désire votre commanditaire avec l’histoire que vous aimeriez raconter.
William C. Martell dit quelque chose de très pertinent à ce propos :

TROUVER SA PROPRE HISTOIRE DE WILLIAM C. MARTELL

L’écriture est un défi. Et vous devriez y trouver beaucoup plus qu’un plaisir à le relever.

The secret of getting ahead is getting started. The secret of getting started is breaking your complex overwhelming tasks into small manageable tasks, and then starting on the first one.
Mark Twain

Le secret pour avancer, c’est de commencer. Et le secret pour commencer est de diviser vos tâches complexes et accablantes en tâches plus petites et gérables et puis de commencer par la première.

Une histoire est un tout. C’est un ensemble disparate d’éléments dramatiques qui s’accordent pour former un tout. Ce sont nous-mêmes, auteur et lecteur, qui nous nous assurons de cette totalité.
Mais, au cours de son processus d’écriture, un auteur pourrait être paralysé par l’angoisse de finir ce travail. Il ne faut pas se précipiter.
L’auteur est certes guidé par un principe directeur mais son attention doit être immédiate.
Il faut se concentrer sur la scène ou le moment dramatique en cours. Et si vous avez une séquence d’action, c’est sur elle et seulement sur elle que votre énergie doit se focaliser. Au cours de la réécriture, vous pourrez alors juger de sa pertinence dans l’ensemble. Mais pour le moment, concentrez-vous sur elle.
Ou encore cette révélation qu’elle soit structurelle ou qu’elle entre dans la définition identitaire de l’un de vos personnages, commencez par la situer dans une scène. Vous avez un contenu à révéler à votre lecteur, inventez les circonstances qui vont le permettre. Ensuite, vous jugerez de sa position stratégique dans l’histoire mais pour le moment, seuls les détails de cette révélation importent.

Writer’s block is my unconscious mind telling me that something I’ve just written is either unbelievable or unimportant to me, and I solve it by going back and reinventing some part of what I’ve already written so that when I write it again, it is believable and interesting to me. Then I can go on. Writer’s block is never solved by forcing oneself to “write through it,” because you haven’t solved the problem that caused your unconscious mind to rebel against the story, so it still won’t work – for you or for the reader.
Orson Scott Card 

La page blanche est mon inconscient qui me dit que ce que je viens juste d’écrire n’est pas crédible ou n’est pas important pour moi. Et je le résous en réinventant certaines parties de ce que j’ai déjà écrit afin que lorsque je le réécris, cela devient crédible et intéressant pour moi.
Alors, je peux continuer. La page blanche n’est jamais résolue en se forçant à écrire parce que vous ne résoudrez pas le problème qui est à l’origine de la rébellion de votre inconscient contre l’histoire.
Car cela ne fonctionnera toujours pas, pour vous ou votre lecteur.

Un manque d’inspiration ne se résout qu’en discernant le problème qui en est à l’origine. Le souci, ce n’est pas ce que vous n’avez pas encore écrit. Il réside dans ce que vous avez déjà mis sur le papier.
Ayez confiance en votre intuition.
Réévaluez certains de vos choix et voyez si une scène, par exemple, se suffit à elle-même et si ainsi, elle peut ouvrir la possibilité d’une transition vers une autre scène.

Over the years, I’ve found one rule. It is the only one I give on those occasions when I talk about writing. A simple rule. If you tell yourself you are going to be at your desk tomorrow, you are by that declaration asking your unconscious to prepare the material. You are, in effect, contracting to pick up such valuables at a given time. Count on me, you are saying to a few forces below: I will be there to write.
Norman Mailer

Au fil des années, je n’ai découvert qu’une règle. C’est la seule règle que je donne lorsqu’on me demande de parler d’écriture. Une simple règle.
Si vous vous dites à vous-même que vous serez à votre table de travail le lendemain, vous demandez par cette déclaration à votre inconscient de préparer le matériel. Vous vous engagez, en effet, à aller chercher de tels objets de valeur pour les utiliser à un moment précis.
Vous pouvez me faire confiance, vous êtes en train de dire à quelques forces intérieures :  » Je serai là pour écrire ».

C’est un conseil important pour lutter contre la procrastination. Fixez-vous un rendez-vous important avec vous-même, un rendez-vous que vous ne pouvez pas remettre.
Cela rejoint le conseil de Neil Gaiman. Votre engagement mettra en branle votre inconscient qui préparera ce rendez-vous pour vous.
Concrètement, dans votre tête, vous serez déjà en train d’écrire ce que vous mettrez sur le papier lorsque l’heure de votre rendez-vous aura sonné.
Mais en l’attendant, vous ferez certainement des recherches sur votre sujet. Vous lirez mais n’écrirez rien. Et le jour où vous vous mettrez à votre table de travail, vous posséderez déjà le matériel pour nourrir votre inspiration.

Writer’s block is a condition that affects amateurs and people who aren’t serious about writing. So is the opposite, namely inspiration, which amateurs are also very fond of. Putting it another way: a professional writer is someone who writes just as well when they’re not inspired as when they are.
Philip Pullman

La page blanche est une condition qui affecte les amateurs et les gens en général qui ne sont pas sérieux à propos de l’écriture. Et son contraire, c’est-à-dire l’inspiration, dont les amateurs sont aussi très friands, l’est tout autant.
En d’autres mots, un écrivain professionnel est quelqu’un qui écrit tout aussi bien qu’il soit inspiré ou qu’il ne le soit pas.

Philip Pullman n’hésite pas à casser la sacro-sainte inspiration la mettant dans le même bateau que la page blanche.
L’accent est mis sur le professionnalisme du métier de scénariste.
Que vous ayez une commande ou que vous écriviez un spec comme l’on dit (c’est un projet que l’on ne vous a pas commandé mais que vous espérez peut-être vendre), inspiré ou pas, vous devez vous comporter en professionnel de l’écriture.
Si vous êtes encore novice, essayez de tirer le meilleur de vous-même.
Bien sûr, dans l’interview de William C. Martell, il dit ouvertement qu’il refuserait un projet qui ne lui corresponds pas. Philip Pullman, quant à lui, réfute l’invocation de la page blanche ou celle de l’inspiration quand on est professionnel. Ce serait de fausses excuses et probablement, la réalité exige une telle approche.
Alors endossez toujours l’image d’un scénariste professionnel même si vous en êtes encore en train d’écrire votre premier scénario.