Quelques conseils pour nommer vos personnages

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L’écriture d’un roman ou scénario commence la plupart du temps par une idée, une image, un thème à aborder. C’est ce qu’on appelle la prémisse du récit. Mais une intrigue, c’est toujours l’histoire de quelqu’un.

Nommer un personnage n’est bien entendu qu’une infime part de sa caractérisation mais la plupart des scénaristes soignent ce choix, par sentimentalisme sans doute, mais surtout parce qu’un patronyme révèle, mine de rien, pas mal de choses sur celui ou celle qui le porte. Voici quelques ressources et pistes de réflexion pour ceux d’entre vous qui bloquent sur cette étape…

James Bond aurait-il autant impressionné ses ennemis et la gent féminine s’il s’était appelé Raoul Tartempion? C’est peu probable, pas plus que Scarlett O’Hara n’aurait pu s’appeler Lucille Brown. Ça semble évident dit comme ça mais songez que ces patronymes sont devenus de vrais archétypes.

Nommer un personnage, c’est donner d’emblée au spectateur des informations à son sujet:

  • tranche d’âge et époque auxquelles il appartient
  • origine ethnique ou religieuse
  • origine régionale, notamment en France où elle est encore très marquée
  • milieu social dont il est issu

Afin de rendre votre choix crédible, consultez, via le Net, les listes de prénoms en vogue telle ou telle année, dans tel ou tel pays, les moteurs spécialisés sont légion. On peut pousser la réflexion beaucoup plus loin en estimant, à l’instar de maints futurs parents, que le choix d’un prénom va déterminer certains traits de la personnalité du sujet puisque chaque prénom a une signification symbolique.

En bref, lorsque vous créez un personnage, commencez par imaginer sa biographie: qui est-il, à quelle époque vit-il, quel âge a t-il, d’où vient-il, de quelle genre de famille est-il issu? Quels sont ses traits de caractères (qualités mais aussi défauts) marquants? Si c’est un héros de film d’action, par exemple, optez pour un patronyme incisif: James Bond, c’est mieux que Ruppert-Edward Croawford, non? Lord Ruppert-Edward Croawford, ça le fait carrément dans un mystère à la Agatha Christie en revanche.

Le genre de votre scénario importe aussi. Pensez par exemple aux patronymes des personnages du film Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (scénario de Guillaume Laurant et Jean-Pierre Jeunet) : ils participent activement à l’atmosphère drôle, poétique et délicieusement surannée de l’histoire, aux clichés franco-français qu’il véhicule volontairement.

Voici quelques ressources où puiser l’inspiration:

Oubliez les bébêtes dictionnaires de prénoms proposés aux futurs parents, le Net regorge de ressources bien plus ciblées, par exemple :

  • Une linkographie très complète dressée par le site Writing World.com, classée par origine ethnique
  • 2000 names: moteur de recherche international
  • Le dictionnaire étymologique Behind the name
  • Un générateur de patronymes fictionnels spécialement dédié aux auteurs
  • Le générateur du site Language is a virus, qui propose de nombreuses sous-catégories par genre
  • Un générateur de noms de personnages orienté SF et fantasy, et un second, carrément hardcore, qui différencie les différents peuples qui hantent le genre…
  • Un site entièrement consacré aux prénoms celtiques
  • Un dictionnaire des noms propres recommandé par mon confrère Robin Magic Barataud

 Dix conseils avant de vous lancer dans vos recherches:

  1. Evitez, dans un même scénario le cumul de patronymes qui se ressemblent, de peur d’embrouiller le lecteur/spectateur. Si vous avez un Paul dans l’intrigue, zappez d’office les Jean-Paul, Paul-Marie, Paul-Emile et consorts… Même règle pour les sonorités trop proches. Si vous introduisez un Brian dans l’histoire, passez vous d’Alan, de Jonathan, Dylan…
  2. A moins que cela participe activement à la caractérisation du personnage (quelqu’un qui est issu de la noblesse par exemple), ne choisissez pas de patronymes trop complexes. L’originalité c’est bien mais jusqu’à un certain stade, ne surestimez pas la capacité de concentration du public…
  3. Un nom très compliqué peut s’avérer judicieux, en revanche, dans le cadre d’une série télévisée pour créer un comique de répétition. Ceux qui adoraient, comme moi la vénéneuse sitcom Married with children se souviennent sans doute avec nostalgie de la journaliste Miranda Vera Cruz de la Hoya Cardenal. Enfin bon, le procédé reste casse-gueule…
  4. Méfiez-vous de ne pas utiliser des noms existants trop reconnaissables. Si vous voulez nommer un serial killer comme votre voisin, ça ne peut passer que si son patronyme est trèèèès usité. Sinon il peut porter plainte.
  5. Même chose avec les emprunts, vérifiez, via Google par exemple, que votre idée de patronyme n’a pas déjà été utilisée par un autre auteur. Bon s’il s’agit d’un « Marc Dupont », je ne pense pas que vous ayez de gros problèmes, si vous optez pour « Charles Swann » en revanche… Oui bon, d’accord, « Bella Swan » ça ne fonctionnera pas non plus, bande de p’tits jeunes !
  6. Essayez d’être un peu inventifs. J’ai un peu l’impression que les héroïnes de films français s’appellent Marie une fois sur trois, pas vous? ;-)
  7. Zappez les orthographes fantaisistes, du genre « Caroleen » ou « Carolyn » en lieu et place de Caroline, franchement aucun spectateur ne saisira la nuance, et pour cause.
  8. Évitez l’avalanche de surnoms pour un même personnage, sinon ce sera incompréhensible.
  9. Le symbolisme et les hommages, c’est génial mais ne soyez pas lourdingues: un traître qui s’appelle Judas, ou une botaniste qui s’appelle Fleur, franchement, ça le fait moyen…
  10. Ne versez pas dans l’ésotérisme à outrance, de peur d’être le/la seul(e) à saisir les références. Peu de gens connaissent les divinités sumériennes par exemple.

Si avec tout ça vous ne trouvez pas votre bonheur! Attention toutefois de ne pas estimer que votre travail de créateur s’achève une fois ce patronyme soigneusement choisi, la caractérisation d’un personnage est une étape longue et complexe. Un nom et un physique sont loin de suffire pour faire exister un personnage à l’écran. Pour que le public puisse s’identifier, ou tout du moins s’attacher, à l’un des héros d’un film, pour qu’il suive son parcours avec intérêt, émotion, voire angoisse, encore faut-il qu’il puisse le comprendre. Tout l’art du scénariste consiste, dès le début du film, à donner l’impression au public qu’il sait tout ou presque des personnages qu’il voit à l’écran, et ça demande à l’auteur beaucoup de travail! 🙂

Travailler la caractérisation de ses personnages :

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